Les mémoires d’un pirate (116)

Sale bête ! Elle n’allait pas faire long feu, je le jurais sur mon honneur par trop de fois bafoué !

Le fantôme qui dormait dans la pièce d’a côté ne voulant pas me laisser son pichet avec les bonnes manières, m’obligea à emprunter à l’une des malheureuses poules une jolie plume fantôme pour m’en servir sur la plante de ses pieds qui dépassaient de la  couverture. Le fantôme gesticula, se démenant sur son lit comme sur un ring de boxe et, alors que jusque-là il avait chéri son pichet de grog comme la prunelle de ses yeux, il le laissa échapper en riant gracieusement. M’emparant du pichet, je me disais fermement qu’armé de la sorte la sale bête de la cave (brrr ! On dirait le titre d’un récit d’épouvante !) n’avait qu’à bien se tenir. Après ce que je lui réservais, jamais plus elle ne toucherait à une goutte d’alcool de sa mort !

En descendant les échelons, quelques légers grincements alertèrent l’énorme rat, qui vint immédiatement me chercher querelle. Je laissai couler du haut de mon échelle le liquide jaunâtre et gazeux qui s’échappait du pichet. Il en restait assez pour lui administrer une bonne gueule de bois. La bête, reconnaissant à l’odeur l’immonde boisson, se laissa tenter et se mit à le boire. Après quelques gorgées, le rat se leva sur ses deux pattes arrières et se mit à tituber. Un instant plus tard, il ne tenait plus debout et tomba ivre-vivant sur son dos. La voie était enfin libre.

Je me dirigeai vers la caisse scintillante qui renfermait la racine. Je tentai d’ouvrir le couvercle mais rien à faire. C’était coincé. Peut-être qu’avec quelques outils j’y parviendrais plus facilement. Et justement, des outils il y en avait en haut dans une salle judicieusement appelée « Salles à outils ». La bassine de graisse allait bien me servir pour mes projets.

J’enduisai mes mains de l’immonde graisse et repartis les mains sales vers le pont. J’espérais que personne ne ferait attention à cette drôle de tâche noire qui volait à plusieurs centimètres au-dessus du sol. Personne ne remarqua la graisse volante, ils étaient tous bien trop occupés à s’amuser. J’enduisis de graisse les charnières de la porte grinçante, et parvins enfin à l’ouvrir sans qu’elle fasse le moindre bruit. J’entrai dans la salle des outils, où un énorme fantôme endormi gardait une porte cadenassée cinq fois. Elaine ! Elle se trouvait là ! Sans cette maudite porte de bois, j’aurais enfin pu la toucher ! Impossible de la libérer dans l’immédiat, je le savais bien. Mais une fois que je me serais emparé de la racine, ces sales fantômes verraient de quel bois je me chauffe !

Je passai les outils en revue : pelles, pioches, pics, quelques masses d’arme… Je pris quelques-uns de ces ouvre-boîtes, et repartis vers la cale. Je ressortis l’immense hache de guerre à peine prélevée de mon Black Hole puis l’abattis sur la caisse dans un fracas épouvantable. Pas une égratignure. Sur la caisse, je veux dire. Par contre, la hache commençait à s’user cruellement. Oubliant que le bruit pouvait alerter à tout moment l’équipage de spectres, je me mis à m’acharner comme une furie sur la caisse. Enfin, le couvercle se brisa, et une lumière divine me sauta au visage. La racine était bien là ! Longue d’un mètre, plutôt épaisse, et rouge… Elle brillait comme par magie et c’est avec une émotion non dissimulée que je m’en emparai. Comme je l’ai dit précédemment : il était VRAIMENT temps que je change de caleçon. Ca y est ! Je l’avais enfin en ma possession ! Tremblez, fantômes ! Vous allez bientôt goûter de mon cocktail explosif !

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