Les mémoires d’un pirate (108)

Lemonhead me la fit prendre dans les bras. Quelle drôle de sensation que de tenir une tête vivante ! Sa peau se révélait sèche au toucher, ce qui n’était guère étonnant. Pas facile non plus de se passer un écran total quand on est une tête, ni de garder son sang chaud quand on n’a plus de système sanguin valide.

– On l’entoure de ce collier magique qui la rend invisible aux fantômes, m’indiqua Lemonhead.
– Vraiment ? fis-je. Mais c’est prodigieux !

La tête ne cessait de me fixer comme une bête sauvage. Quand, tout à coup, elle me fit un large sourire.

– Oh regarde ! s’écria Requin. Je crois qu’il t’aime bien !
– Comment s’en sert-on ? demandais-je en lui rendant son sourire carié.
– Tu n’as qu’à suivre son nez, et il te conduira au refuge de LeChuck dans les catacombes. Ensuite, empare-toi de la racine et reviens nous voir. Nous pourrons alors préparer notre potion magique aux enzymes pour dissoudre les fantômes, m’expliqua Monstre Rouge.
– Et tu pourras la vider sur LeChuck comme du sel sur une limace ! ajouta Requin.
– Hourra ! criais-je en m’y voyant déjà.
– Et après vous serez tous invités à dîner ! conclut Lemonhead.

Je ne sais pas pourquoi, mais mes compagnons et moi refusâmes poliment cette invitation.

La cuisine indigène pourrait se révéler nocive, à nous pauvres blancs. Surtout quand on a de grandes chances de faire partie du menu.

Goodnight ayant passé grand nombre des dernières heures à dormir, nous dûmes lui expliquer que nous étions libres et les projets que nous avions à propos de l’expédition dans la tête du singe. Goodnight fut plus déçu d’avoir raté les photos de charmes de Carla qu’heureux de se savoir délivré des cannibales.

Mes compagnons furent unanimes : pas la peine que nous descendions tous dans les catacombes de la tête du singe. Une personne suffirait, et ce fut votre serviteur qui fut élu à main levée. Pas vraiment surprenant. Cinq voix contre une… Ce doit être ce que l’on appelle la popularité.

Si la clé était un grand coton-tige, il ne fallait pas être sorti de la cuisse de Jupiter pour comprendre que la serrure demeurait dans l’une des deux oreilles. Nous l’insérâmes tous dans la plus sale, et commençâmes à la nettoyer en frottant d’avant en arrière et en roulant le cotontige.

Etrange sensation que cela, mais il était temps que quelqu’un le fasse. Elle était remplie de miel. En effet, un essaim d’abeilles s’y était réfugié et ses habitantes ne furent pas contentes qu’on les dérange. Après qu’elles nous aient coursés sur quelques kilomètres, nous retournâmes au singe et finîmes ce que nous avions commencé. Après un bon curage d’oreille, le sol et la tête se mirent soudainement à trembler… la bouche s’ouvrit et délia une gigantesque langue comme un tapis rouge. Voilà, c’était ouvert.

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