Les mémoires d’un pirate (099)

L’air parut soudain épais, gras, et les ombres profondes autour du cannibale se bordèrent d’arcs-en-ciel bleus et violets. L’indigène s’avança à grands pas vers eux : la cape noire de sa tunique spéciale flottait dans son dos et ses pieds produisaient de légers cliquetis sur les pavés. Il n’y avait pas d’autre bruit, le silence écrasait les lieux comme de gros paquets d’ouate.

Une flaque glissante d’huile de cuisine vint gâcher l’effet impressionnant.

– Oh, fait chier ! cria Monstre Rouge en tentant de se dépêtrer de sa cape.
– Vous ne vous êtes pas fait mal, j’espère ? lui demanda Otis en l’aidant à se relever.
– Ca va, ça va !

Il sortit un rouleau de papier.

– Ne me dites pas que ce sont des toilettes ! dit Meethook choqué.
– Mais non ! Ce sont juste des notes que j’ai pries à votre sujet.
– Vous avez enfin décidé de ce que vous alliez faire de nous ? demanda Otis.
– En effet. A moins que vous n’ayez quelque chose à nous offrir vous servirez de dîner pour ce soir.
– Noooooooooooooooooon, crièrent-ils en choeur sauf Goodnight qui dormait toujours plus profondément.
– Si, répondit sobrement Monstre Rouge en se couvrant de sa ridicule cape à plumes.

Otis balança un coup de pied violent dans l’entrejambe du cannibale qui ne broncha même pas.

– Mais… Vous n’avez pas mal ? demanda Otis sans comprendre comment une telle chose pouvait être possible.
– Si, répondit Monstre Rouge d’une voix aiguë. Mais vous ne pensez pas que ce gag a été un peu trop répété au cours de cette aventure ?
– Vous avez raison, se résigna Otis. Les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures, c’est bien connu.

Le cannibale fit volte-face. Et marcha sur sa cape. Une nouvelle fois, il se retrouva les quatre fers en l’air. Il se releva rapidement, comme si de rien n’était.

– Et calmez-vous tous je vous en prie ! cria-t-il. Si vous continuez à vous faire autant de mauvais sang, il ne restera que des nerfs à manger ce soir !

Monstre Rouge posa les mains sur ses hanches et se mit à rire à gorge déployée.

– Et ne comptez pas sur votre ami pour vous libérer ! s’écria le cannibale. Ce blanc-bec sera dans notre frigo avant que vous n’ayez le temps de bouillir !
– Non, non… dit Otis. Il m’a déjà sorti une fois de prison. Regardez où ça m’a mené.
– Vous êtes obligé de nous manger ? demanda Meethook.
– Non, bien sûr que non ! Mais nous avons une réputation à défendre, vous savez.

C’est alors que Carla leva la main :
– J’ai peut-être une proposition à vous faire… déclara-t-elle.

Pendant ce temps-là, ma petite biche, le gouverneur, emprisonnée dans sa cale mijotait un énième plan d’évasion. Ayant essayé un peu tout et n’importe quoi elle tenta tout simplement de tourner la poignée de la porte. Elle s’ouvrit ! Non, elle se coinça après quelques centimètres, l’humidité ayant gonflé le bois spectral. Elle recula, et se jeta sur la porte qui céda du premier coup. Elle y était allée un peu fort et se retrouva par-terre à quatre pattes. Elle n’eut pas le temps de s’auto congratuler de son évasion qu’elle aperçut devant ses yeux deux énormes bottes noires. Le gouverneur les reconnut immédiatement et se releva tranquillement en tirant une grimace qui n’altérait pourtant pas sa beauté. Deux spectres la saisirent sous les aisselles, alors que le capitaine LeChuck se dressait devant elle, avec un air satisfait. – Vous alliez prendre l’air, gouverneur ? lui demanda-t-il.

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