Les mémoires d’un pirate (094)

Nous nous retrouvâmes devant une grande tête en pierre à visage humain. Elle était recouverte en partie par des lianes et des fougères. C’était peut-être leur dieu ? Goodnight
voulut s’en approcher pour la voir un peu mieux, quand soudain Otis l’attrapa et le plaqua contre la façade d’une hutte.

– Qu’est-ce qui te prend ? demanda Goodnight à Otis. On peut y aller ici, il n’y a rien à craindre.

Otis observa la grosse tête à son tour. Il grimaça la mine sombre :
– C’est bien ce qui me fait peur…

Soudain la vue d’Otis fut attirée par un grand panier rempli de bons gros fruits déposés aux pieds de l’idole. Sans doute une offrande. Oubliant sa méfiance, il fut le premier à se jeter sur ce divin casse-croûte. Nous avions tous très faim et nous ne tardâmes pas à faire de même.

Chaque bouchée de ces fruits était dégustée comme il se devait. Jamais je n’avais goûté à de si succulentes bananes. Otis en mangeait deux ou trois à la fois, tout en remplissant ses poches des fruits. Pas de gaspillage, semblait être sa devise à ce propos. Rien ne semblait pouvoir troubler pareil festin, et pourtant ce fut le cas :
– C’est une banane que tu as dans la poche ou tu es juste content de me voir ?

C’était une grosse voix qui venait de gronder. Une voix inconnue aussi. Nous nous tournâmes dans sa direction pour nous rendre compte que nous faisions face à trois grands cannibales à l’air terrifiant. C’était loin d’être des Pigmés, à peine plus petits que le géant Goodnight. Leur lance affûtée n’était pas mal non plus. On ne pouvait dire s’ils semblaient contents ou pas de notre présence à cause de leur masque. Comme le premier cannibale avec le masque de requin, ils étaient tous recouverts d’un tel cache. D’ailleurs Requin était là, derrière celui qui semblait être le chef et qui portait un masque rouge de monstre imaginaire.

Enfin j’espérais vivement que ce genre de bête n’existât pas, surtout dans les parages.

Derrière eux se tenait le dernier cannibale qui portait un masque tout rond, tout jaune, de euh… citron je crois.

– C’est eux qui m’ont assommé ! accusa Requin en se frottant la tête.

Monstre Rouge croisa les bras en nous regardant de haut :
– Tu as du culot de profiter ainsi des célèbres cannibales de l’île aux singes ! s’écria-t-il.
– Ah, c’est vous les cannibales ? demanda naïvement Goodnight la bouche pleine de bananes.
– Mais bien sûr, lui répondit Monstre Rouge. Il est vrai que ces derniers temps nous essayons de rationner notre consommation de viande rouge…
– … seulement pour des raisons de santé, continua Requin, mais nous sommes toujours aussi carnivores !
– Surtout avec les touristes qui nous piquent nos affaires pour en faire des souvenirs, précisa Monstre Rouge en levant un doigt vers nous.

Ouf ! Ce n’était pas notre cas ! Nous n’étions ni touristes, ni vol…

– Qu’avez-vous à dire pour votre défense ? gronda le chef des cannibales.
– Je suis trop maigre pour mourir ! cria Carla non sans fierté.

Otis se tourna vers elle les yeux à moitié fermés et un sourire narquois au coin des lèvres.

– Moi je trouve que tu as pris quelques kilos depuis quelques temps… lui dit-il.
– Goujat ! hurla-t-elle en lui balançant sa main dans la figure.
– Silence ! cria Monstre Rouge.

Meethook se jeta à ses pieds :
– Ne nous mangez pas ! Nous sommes des durs à cuir !

Les cannibales reculèrent comme terrifiés. Ils prirent des bananes et nous les pointaient devant en formant des croix… Bizarres ces gus. Ils se serraient les uns contre les autres et tremblaient comme des feuilles.

– Ca veut dire que leur peau va être dure comme du cuir et leur viande nerveuse et résistante ! s’écria Requin.

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