Les mémoires d’un pirate (090)

– Les spectateurs, voyons ! Ceux qui suivent notre aventure !

On se regarda tous. Foldingue, c’était le mot que nous avions tous envie de dire. Et nous ne voulions pas finir comme lui. Surtout sans pantalon. Le mien était déjà troué, c’était peut-être le premier pas vers la folie.

– J’habite ici, nous dit-il. Enfin, pas vraiment ici. Dans la forteresse du volcan, là où vous étiez tout à l’heure.
– Tu es naufragé ? lui demanda Otis.
– Tu crois que je reste ici pour ma santé ? s’écria-t-il. Ils rêvent ! déclara-t-il à ses spectateurs imaginaires.

Un drôle de cri d’oiseau nous fit tous sursauter. Nous nous retournâmes tous vers la source du bruit. Quand nous refîmes face au naufragé de l’île aux singes, il avait disparu. Que c’est agaçant cette façon de prendre congé ! Il aurait pris des cours chez Lady Voodoo que ça ne m’aurait pas étonné.

Nous reprîmes notre route. Sur le chemin, nous trouvâmes un grand nombre de notes. La première était accrochée à un palmier. Elle disait ceci : « Attention pirate fantôme LeChuck. Une fois de plus, on vous demande de modérer vos activités nocturnes aux alentours de la tête sacrée de singe. Il y a des gens qui voudraient dormir ! Soyez assez aimable pour ne pas réveiller vos voisins. Signé : les cannibales de l’île aux singes ». En bref, ce message voulait dire que nous approchions de notre but mais aussi de ces satanés indigènes. La note nous apprenait aussi les rapports tendus entre les cannibales et les spectres. On avait pu deviner ça déjà dans le premier message trouvé sur la plage. C’était une confirmation. En y réfléchissant bien c’était logique. Pas de viande humaine à mâcher sur des spectres, surtout quand la plupart ne ressemblent plus qu’a un gros tas d’os mal emboîtés.

Le soleil tapait dur ici et Otis s’en voulait de plus en plus d’avoir oublié son maillot sur le Singe des Mers. Nous trouvâmes un second mot sous une petite pierre, un magnifique spécimen de silex comme me l’apprit Otis qui avait des archéologues et paléontologues dans sa famille et donc qui n’avait aucun mérite à nous balancer ainsi sa culture. Toujours à faire son intéressant celui-là. Mais quoiqu’il en soit, je m’en emparai. On n’avait plus d’allumettes, et ça pouvait toujours servir à faire un bon feu. Si nos ancêtres étaient parvenus à en allumer avec ce genre d’outil, nous y arriverions forcément aussi. Le message ne venait pas des indigènes cette fois : « Attention cannibales de l’île aux singes. Ca ne me gène pas que vous organisiez vos cérémonies en face de l’Idole du Singe sacré qui est aussi notre repaire secret (il ne faut pas le dire bande d’andouilles), mais évitez de laisser traîner des sacrifices ensanglantés sur mon palier. Et surtout, NE RENTREZ PAS dans la tête du singe ! C’est pas parce que vous avez un double de la clé que vous pouvez vous permettre de fouiner chez les gens. A bon entendeur… Signé : G.P. LeChuck ».

Une clé ? Il fallait une clé? Voilà qui changeait bon nombre des données.

– Je ne me lasse jamais de ces plages et de cette mer, fit la voix d’Herman dans notre dos. Même si ça fait vingt ans que je bronze ici, et même si ça fait vingt ans que je me baigne ici.

J’ai failli avoir une crise cardiaque. L’envie de lui balancer le boulet que je m’étais mis de côté me démangeait de plus en plus.

– Ces plages sont superbes en effet, lui répondit Otis en connaisseur.
– Comment as-tu échoué ici ? demanda Carla au vieux bouc.
– Il y a vingt ans, j’ai débarqué avec un copain. Nous espérions découvrir le secret de l’île aux singes. Mais mon ami a été victime d’un accident dramatique qui lui coûta la vie, comme vous avez pu le constater vous-même. Et tout seul, je ne pouvais pas faire naviguer le bateau pour rentrer. J’ai donc appris à une bande de chimpanzés comment naviguer. Leur mission était de chercher du renfort et de revenir me prendre… je ne les ai jamais revus. C’est pour ça qu’il n’y a plus un seul singe ici. Ils se sont tous barrés.

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