Les mémoires d’un pirate (086)

-… LeChuck ?

Ils se passèrent en revue et soufflèrent dégoûtés.

– Bon, c’est promis, dit Carla.
– Je veux que vous le promettiez sans rien croiser tour à tour.

Ils regardèrent le trou dans le pont, puis jurèrent tour à tour en levant la main au ciel. Comme ces imbéciles me tenaient tous dans leurs bras, en jurant ils me foutirent par-terre.

– Bon, très bien, dis-je en me relevant péniblement. Quelqu’un a des allumettes ?
– Moi, pourquoi ? dit Meethook.
– Toi ? fit Otis tout étonné.
– Oui, moi, répondit Meethook. Pourquoi ? Ca te gène ?
– Non… dit Otis. C’est juste que je me demandais comment tu faisais pour gratter les allumettes.

Je ne perdis pas plus de temps et partis vers la cale. Elle était déjà presque toute remplie d’eau de mer. Il fallait faire vite, car si l’eau mouillait la poudre à canon c’en était fini de nos espérances. J’en pris une bonne quantité ainsi qu’un gros morceau de corde pour les mèches. Je filai ensuite à la cuisine pour choisir cinq marmites correspondant à la taille de nos têtes. Oui, ami lecteur, vous avez saisi mon idée. Je remontai sur le pont et distribuai ces casques de fortune à mes, de nouveau, fidèles compagnons.

– On va tous se faire éjecter sur l’île par le canon ! m’exclamais-je hilare.
– C’est ça ton idée ? dit Carla. Tu es maboule ?
– Bon. On le balance aux requins… dit Otis.

Ils s’emparèrent de moi et se remirent à me dandiner d’avant en arrière.

– Mais réfléchissez ! Je fais dans les soixante kilos à peine ! Les requins m’auront mangé avant que vous n’ayez eu le temps de plonger à l’eau !

Ils cessèrent de me balancer.

– Il a raison. Ce serait sans espoir, dit Meethook.

Otis se tourna vers le grand Goodnight qui s’était rendormi.

– Balançons-le aussi ? proposa Otis. On vote pour cette idée ?

Je me débattis pour qu’ils me laissent tomber.

– Mais écoutez-moi ! C’est la seule solution !

Et puis, comme le dit si bien le slogan : « J’ai testé pour vous ! ».

– D’accord, fit Carla. Je le fais.
– Les dames d’abord alors ! proposa galamment le courageux Otis.

Un peu de poudre et de mèche, et Carla fut propulsée sur l’île. Elle gesticulait comme une aliénée et fut précipitée comme une masse en direction de la plage.

– Je m’inquiète pas pour son atterrissage, dit Otis. Pas avec les Airbags qu’elle a.
– Allez montez dans le canon ! Vous voyez bien que ça marche ! J’allumerai la mèche !

Goodnight passa en second, puis ce fut le tour d’Otis, puis Meethook qui à cause de sa carrure eut bien du mal à se faufiler dans la bouche du canon. Ca venait à moi. Et il ne me restait plus qu’un petit bout de mèche… Si j’allumais, aurais-je le temps d’entrer dans le canon ? Pas le choix. Je craquai une allumette, la dernière comme par hasard, et allumai le bout. Je me jetai sur la bouche du canon et m’apprêtais à me hisser dans sa bouche. En bas, un maudit requin m’attendait la gueule grande ouverte. Belle dentition, par ailleurs. J’insérai une jambe, puis… le coup partit. Le choc me fit perdre mon casque en route mais au moins j’étais propulsé dans la bonne direction. La chute de cette histoire tendait à m’échapper, songeais-je en voyant approcher le sable chaud de l’île aux singes.

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