Les mémoires d’un pirate (083)

J’avais bien sûr une recette mais où pouvais-je trouver tous les ingrédients nécessaires ? Alors voyons… j’avais déjà le bâton de cannelle, c’était déjà ça… quelques pastilles à la menthe remplaceraient aisément les feuilles, c’était du pareil au même non ?… en ce qui concerne l’encre de calmar, je m’emparai de l’encrier par terre qui était tombé du bureau. Encre de calmar ou de Chine, quelle différence ? Et il me semblait me souvenir que les Asiatiques adorait le calmar, ça tombait on ne peut mieux… Et pour le poulet vivant j’avais bien celui en caoutchouc. Mais oui, souvenez-vous ! Celui avec une poulie au milieu ! Elle grinçait tant qu’on aurait pu croire que le poulet poussait des drôles de cris. Ca pourrait faire l’affaire et ça me permettrait enfin de me débarrasser de ce bidule inutile. Mais où trouver un crâne humain (écrasé), 1 litre de sang de singe et 3 pincées de soufre ? Ah ! Très bien ! Je trouvai dans la cale de nouveaux ingrédients. J’avais d’abord pris une bouteille de vin du « Château de Macaque » qui remplacerait sans problème le litre de sang. La couleur était la même, et j’avais beau ne pas m’y connaître en cuisine, il ne fallait pas être un génie pour comprendre que l’essentiel était là. Pour le soufre, pas d’ennui à l’horizon : de la poudre à canon ferait l’affaire. Restait tout de même le crâne humain (écrasé)… Hum… J’avais bien quelques mutins qui ne savaient même pas à quoi leur servait leur tête en haut mais… ils étaient plus nombreux que moi et ne seraient pas d’accord là-dessus.. Goodnight était endormi… Non. Ce n’était pas démocratique. Décapiter quelqu’un, oui, mais pas comme ça.

Peut-être devions nous faire un vote à main levée ? Avec la chance que j’avais aujourd’hui, c’est mon crâne qui risquait de terminer sa course dans la marmite. Mieux valait oublier cette terrible idée.

– Quelqu’un peut me dire ou je peux trouver un crâne humain (écrasé) ? demandais-je à mon fier et fidèle équipage.
– En haut, répondit Otis.

En haut de quoi ? De mon cou ? Merci, je n’aurais jamais deviné. Je levais les yeux au ciel, implorant dieu de m’aider dans ma sainte tâche de cuisine. Et c’est enfin que je compris les paroles de mon brave Otis. Le pavillon noir du Singe des Mers flottait au grè du vent. Quoi de plus plat comme crâne que celui du drapeau de pirate ? Je tenais là mon dernier ingrédient !

Je partis tout content à la cuisine. On allait se régaler ! Elaine pouvait un peu attendre. J’étais sûr qu’avec ce que j’allais leur mitonner, ils seraient prêt à faire n’importe quoi pourvu que je leur en redonne. Ils seraient à ma merci et devraient obligatoirement m’aider. J’étais bougrement diabolique, quand j’y pense. Conformément aux instructions, je fis bouillir une grande marmite d’eau à 150 degrés et y mis un à un les ingrédients demandés. De la cannelle… J’adore la cannelle ! Les pastilles de menthe… le vin… On allait se régaler. Etrange tout de même. Je n’aurais jamais imaginé qu’il était si simple de cuisiner. Il suffisait de tout balancer en bloc dans un gros récipient, quoi de plus simple ? Je ne me serais jamais douté non plus que les ingrédients des recettes puissent être aussi étranges. Ma foi, ce devait être une réaction chimique : séparément c’était ignoble, mais ensemble c’était exquis. Je n’avais pas encore découvert le secret de l’île aux singes, mais le secret de la cuisine n’en était plus un pour moi !

J’achevai mon chef-d’oeuvre avec la poudre à canon quand soudain tout explosa ! Je fus projeté au loin contre les parois. Voilà ce qui arrive quand on cuisine sans ceinture… Une fumée fluorescente se dégageait de la marmite, elle ressemblait étrangement à celle que j’avais vue chez Lady Voodoo. Elle avait une odeur enivrante qui commençait à se dégager dans toute la cuisine, puis même ailleurs. Mille millions de mille sabords, ce devait être ce que l’on appelle la nouvelle cuisine ! J’avais la tête qui tournait. Accablé par la fumée et par l’odeur enivrante, je perdis rapidement conscience…

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