Ils tournèrent tous la tête vers moi sauf Goodnight qui, malgré mes cris, dormait toujours profondément. Je n’ai jamais été confronté à une troupe de lions, mais si ça doit un jour être le cas, j’imagine qu’elle me jetterait le même type de regard que mon équipage en train de bronzer.
– Ecoute Guybrush, me dit calmement Meethook, les mots « supplice de la cale humide » te disent quelque chose ?
Amis lecteur, vous ne comprenez peut-être pas cette appellation : cette charmante attraction consiste à plonger une victime dans la mer et sous la quille du navire. Ce que moi je ne comprenais pas par contre c’était pourquoi Meethook changea soudainement de sujet. J’allais le lui demander puis je me dis que de toute manière ces manants ne semblaient pas encore disposés à m’aider dans l’aventure. Je laissai tomber l’affaire et repartis dégoûté dans la chambre du capitaine. Je n’ai pas dit MA chambre car je commençais sérieusement à douter de mon rôle de leader dans cette affaire. Bigre ! Que faire ? J’avais les nerfs en compote et de plus, je ne pouvais détourner mes yeux de cette armoire fermée à clé qui semblait me narguer depuis le début du voyage. Comment ouvrir ce truc là ? Ca semblait solide. Que pouvait-il y avoir dedans ? Rien ? Comme dans le coffre ? C’était probable. Mais je voulais en avoir le coeur net. Je tentai de forcer la serrure par tous les moyens, mais rien à faire, l’armoire gardait ses secrets.
Meethook fit irruption dans la cabine :
– Hé, Guybrush, t’aurais pas de la crème solaire par hasard ?
Ce mufle n’avait même pas pris la peine de frapper à ma porte. Quoiqu’en y pensant bien, avec ses crochets, il aurait pu faire des dégâts. Mais oui ! Ca c’était une idée !
– Il y en a dans cette armoire mais j’ai perdu la clé, lui dis-je sournoisement.
– Pas de problème…
Meethook était plus subtil que je l’imaginais. Au lieu de bourrer la porte à coup de crochets, il enfila le bout dans la serrure et la fit finement cliqueter. Le résultat était celui pensé, donc, tant mieux. Meethook chercha un peu à l’intérieur et repartit avec de la crème solaire, satisfait. J’avais comme l’impression que jadis, l’ancien capitaine avait connu les mêmes déboires que moi. Mais il ne s’était pas laissé faire et avait confisqué la crème solaire !
C’était un exemple à retenir, songeais-je en jetant un coup d’oeil dans l’armoire. Un petit coffre en métal. Il était lourd et contenait peut-être de l’or et des bijoux. Je le posai sur le bureau et ouvris son couvercle. Le bureau au bois pourri tomba en poussière et renversa toutes les merveilles du coffre par terre. Le sol n’avait lui pas cédé sous le poids, c’était déjà ça.
Voyons donc… quelques bâtons de cannelle et un bout de papier… Le coffre était lourd, avec ou sans contenu en fait. Diantre ! Quelle déception ! Je n’avais pas droit à un break aujourd’hui !
Je ramassai le bout de papier et constatai que c’était une recette de cuisine :
« Faites chauffer la marmite jusqu’à 150 degrés et ajoutez les ingrédients suivants :
– 1 bâton de cannelle
– 4 feuilles de menthe
– 1 crâne humain (écrasé)
– 1 goutte d’encre de calmar
– 1 litre de sang de singe
– 1 poulet vivant
– 3 pincées de soufre
et si vous le désirez un ou plusieurs des produits suivants : pyridoxine, hydrochloride, zinc, colorant jaune n°8, mono nitrate et BHA.
Laissez bouillir à feu doux, pour 5 personnes ».
Puisque je n’avais rien d’autre à espérer et qu’une faim de loup commençait à se dessiner en moi, l’idée de cuisiner ne me parut pas si mauvaise. Les femmes on souvent l’habitude de cuisiner lorsqu’elles sont malheureuses. Elles ont surtout l’habitude de manger ce qu’elles cuisinent, ce qui ne les aide sûrement pas à se retrouver un mec par la suite.