Les mémoires d’un pirate (062)

Timidement, le second demanda :
– Vous vous êtes occupé de Threepwood, alors ?

L’obèse capitaine se retourna vers son spectre, avec un sourire diablement sournois, et caressant avec délectation sa barbe calcinée lui confia ses méfaits :
– A l’heure qu’il est, il est vingt pieds sous mer, probablement gonflé comme un cochon engraissé. Les crabes doivent dévorer ses yeux, et les poissons picoter ses doigts. Ca me met l’eau à la bouche.

Ceux qui auront un peu suivi mes mémoires auront compris que ce n’était pas le cas. Mais mille milliards d’un pirate d’eau douce, allez-vous finir par suivre un peu le fil de l’histoire ?

– Oh oui, capitaine… vous pouvez le dire, répondit le squelette sans conviction qui préférait probablement des broches à la viande qu’un Guybrush en viande.
– Et la racine ? s’inquiéta LeChuck. Vous l’avez récupéré à ces maudits cannibales végétariens ?
– L’expédition est revenue il y a cinq minutes. Un autre succès pour notre fière équipe, capitaine !

LeChuck couina de plaisir. Cette nouvelle semblait autant l’enchanter que l’enlèvement d’Elaine.

– Parfait, vraiment parfait. Quelle belle journée tout de même : un kidnapping, un meurtre, un vol…
– Une journée bien remplie, capitaine.

LeChuck attrapa soudainement son second, lui déboîtant sa mâchoire. Le malheureux eut toutes les peines du monde pour se la refixer correctement par la suite.

– Surtout, fit LeChuck d’une voix à vous congeler un steak haché (39), veille à ce qu’elle soit bien gardée. Il ne faut pas que la racine tombe dans des mains criminelles… autres que les nôtres si tu préfères.

Il relâcha son acolyte qui lui fit remarquer une chose judicieuse, que les méchants négligent par trop souvent :
– Mais, capitaine… Si vous avez si peur qu’on vous la vole, pourquoi ne la détruisez vous pas tout simplement ?
– Détruire la racine ? Es-tu fou ? Et avec quoi ferais-je donc mon ragoût de sanglier ?

Shinetop et LeChuck ne faisaient qu’un ! Cette révélation venue du cuisinier du Scumm Bar me cloua sur place. Depuis le début, c’était LeChuck, un spectre de l’enfer, que j’affrontais ! Pas étonnant qu’il m’ait donné tant de mal. Pourtant, après m’être senti mal sous le choc, je réalisai soudain que cette nouvelle était finalement bonne : je l’avais bien rossé au palais. LeChuck n’était pas invincible comme j’avais pu le constater. Si je l’avais déjà battu une fois, je pourrais répéter l’exploit, aucun doute là-dessus. Malheureusement, j’étais l’un des rares à croire en mes chances dans ce combat titanesque. Personne ne voulait faire partie de mon équipage. Qui serait assez fou pour se rendre dans l’antre de la bête ? Les rares pirates assez courageux pour venir, m’avaient dit qu’ils avaient le mal de mer, ou qu’ils ne savaient pas nager, ou encore qu’ils devaient chercher un éléphant qui venait de s’échapper. C’est dangereux ces bêtes là, il ne fallait pas la laisser se promener comme ça. Je ne pouvais pas leur donner tort. Sans compter qu’en l’absence du gouverneur, on faisait la queue pour venir piller son palais déserté. La liste de réservation était plus longue qu’un embouteillage sur la route du Rhum. Pas de shérif ni de gouverneur ? L’occasion était trop belle pour la manquer. C’était d’ailleurs un événement très prisé quand ça arrivait, mais ce serait, vous me l’accorderez, un bazar incontrôlable si l’on n’était pas un tant soit peu organisés. Errant sans but dans la ville, j’atterris par hasard près de la maison de cette folle de Lady Voodoo. Je décidai d’y faire un saut. Qui sait ? Peut-être étais-je finalement prêt pour découvrir mon avenir ?

Elle apparut de nouveau dans des jets multicolores de lumières. Ayant déjà acheté les lunettes de soleil nécessaires à mon voyage, j’en avais profité pour les utiliser à cet instant.

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39. Congeler un steak haché ? Tiens, c’est une bonne idée. Il faudra que j’en parle à Elaine.

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