Les mémoires d’un pirate (060)

Depuis le début de mon aventure, je ne comptais plus les coups que j’avais reçu. Celui-ci était sans aucun doute possible le plus dur de tous. Elaine, enlevée ?

– Tu divagues, guetteur ! Ta vue te joue des tours !
– Pas du tout ! LeChuck l’a embarqué sur son navire fantôme. Il l’a trouvée seule, alors qu’elle venait ici à ton secours. A mon avis, il y a peu de chance qu’on la revoie.

Il fixait les larmes aux yeux une vieille poutre couverte de moules.

– Hé ! lui lançais-je. Je suis de ce côté !

Le myope se retourna plus ou moins vers moi.

– Oh. Désolé. Tu ne m’avais pas dit que tu avais un frère.

Répondre était sans intérêt. Seul comptait la santé d’Elaine.

– Comment as-tu pu laisser LeChuck faire une chose pareille ! aboyais-je au myope. Ou étais-tu pendant ce temps-là ? En train de dormir ?
– Hé ! Je ne suis que guetteur ! Est-ce que j’ai l’air d’un garde du corps ?

Non. Et encore moins de « Danse avec les singes »…

– Où sont-ils allés ?
– LeChuck a emmené le gouverneur dans son refuge secret sur l’île aux singes.
– S’il est secret, comment le sais-tu ?
– Il est facile de dire où est son repère. Plus difficile, par contre d’y parvenir.

Le plus astucieux des lecteurs commencera à saisir, en partie du moins, pourquoi le titre de mes mémoires se nomme « Le secret de l’île aux singes » et non « Le secret de l’île de Mêlée » ni même « Guybrush contre les Mollusques Ninjas ». Il est vrai que cela fait quelques pages que ces mémoires ont commencé et on n’a toujours pas vu l’ombre d’un singe, ni de son île. Si vous exceptez, bien sûr, le passage concernant les cannibales au début de ce formidable ouvrage. Mais patience, ami lecteur. Vous n’êtes pas au bout de vos surprises. Je peux vous le garantir.

J’attrapai le guetteur par le bras. Juste à temps avant qu’il n’ait pu se précipiter dans l’eau froide des docks. Il continua de me parler avec un grand pessimisme. Mais moi, je ne pensais déjà plus qu’à sauver le gouverneur des sales pattes fantomatiques de LeChuck.

– J’ai bien peur qu’aucun pirate ici ne soit assez courageux pour aller à la poursuite de LeChuck, conclut-il avant de chercher quelque chose dans sa poche. J’ai failli oublier : ils ont laissé ce mot sur une table du Scumm Bar. Plus précisément sur un cadavre, cloué à une table du Scumm Bar. Et tu ne vas pas en aimer le contenu.

Le mot était plié en origami de singe. Le myope me confia qu’il était parvenu à le faire grâce à l’ouvrage « Origami, mon ami ». Je lui rétorquai que je n’avais par contre besoin d’aucun bouquin pour le lui défaire. Connaissant déjà le contenu, le guetteur repartit à ses occupations, sans toutefois éviter de se prendre une porte, malencontreusement ouverte.

Je lus le message à haute voix :
– « Attention, pirates de Mêlée : votre gouverneur est hors de danger et à mes côtés comme elle aurait toujours dû l’être. Si vous essayez de nous retrouver, je vous réserve une mort atroce, non sans vous avoir auparavant torturé en vous rasant les jambes à la cire. Mes amitiés, Capitaine LeChuck ». Par un bouc sans corne ! L’ignoble, l’infâme, le perfide LeChuck était réellement de retour du royaume des morts ! Entre-nous, j’aurais préféré que ce soit plutôt Jésus qui revienne parmi les vivants. Bien sûr, la religion est la principale raison et excuse de toute guerre qui se respecte, mais c’était peut-être mieux que le come-back de cette ex-star de la piraterie.
– Oh gouverneur ! lançais-je le poing serré à la lune blême. Pourquoi deviez-vous risquer votre vie pour moi ? Peut être que votre amour envers moi était plus profond que je ne le croyais. Et je réalise maintenant à quel point je tenais à vous. C’est ma faute si vous vous
retrouvez dans cette situation gouverneur, et je promets de vous en sortir, même s’il me faut pour ça défier un ectoplasme pachyderme en retard pour ses obsèques !

Mais qui diable jouait donc une sérénade au violon ? C’est étrange, mais il me semblait entendre une mélodie romantique dans ma tête. Serait-ce le pouvoir de… l’AMOUR ???

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