Les mémoires d’un pirate (044)

– Pas mal, hein ? me dit-il tout content. J’ai tout un dialogue, mais je n’ai pas le temps de te le montrer. Si un jour on fait un voyage ensemble, tu verras, c’est coooool !

Un voyage… Je me remémorais les paroles de Lady Voodoo. Ce moment n’était peut-être pas si lointain.

– Mais au fait, dit Meethook. Pourquoi es-tu venu me rendre visite, Guybrush ?

Et en plus il prononçait merveilleusement bien mon prénom. Quel sympathique pirate mutilé !

– En fait, je croyais que c’était une fête foraine ici. Des pancartes…
– … Cette pancarte date d’il y a longtemps, répondit Meethook d’un air soudain abattu.

J’avais une affaire touristique très prospère. J’avais des animaux savants, des démonstrations de tatouage, des souvenirs… Mais il y a eu un petit accident avec un des animaux dressés…un des touristes a été gravement blessé. Après ça, j’ai fait faillite. Il poussa un gros soupir et baissa la tête. Il continua son histoire dramatique, qui même si elle n’était pas complètement inintéressante (il y avait du sang !) me laissait quand même un peu indifférent. Je ne lui avais pas demandé qu’il me raconte sa vie. S’il voulait la conter à quelqu’un, il n’avait qu’à écrire des mémoires comme moi. Pourquoi donc serais-je le seul à user de ma plume ? Ah les jeunes d’aujourd’hui… ils ne lisent plus et ils n’écrivent pas. Il faut reconnaître que ce sont deux activités difficiles quand on arrive à peine à aligner deux mots à la suite. Paf, dans la gueule ! Ils s’en prennent plein la tronche, ils s’en rendent même pas compte…

Il continua :
– Depuis ça, je vis ici tout seul… avec la bête qui a lacéré ce pauvre visiteur.

Ma queue de cheval se dressa au garde-à-vous. Il y avait une bête ici avec nous ?

– L’animal responsable de mon ermitage, le monstre qui, comme par hasard ressemble comme deux gouttes d’eau à celui qui m’a attaqué quand j’étais tout petit et m’a laissé avec ces crochets à la place des mains, me déformant à jamais. Cette chose… vit en ma compagnie.
– Où sont les toilettes ? demandais-je soudain pris d’une envie pressante.

Mais il ne daigna pas répondre à ma question, ignorant égoïstement mon malheur actuel.

Au lieu de ça, le gaillard tout enflé de muscles se pinçait les lèvres et versait une grosse larme de son oeil valide.

– Me voilà tout déprimé maintenant, déclara-t-il. J’ai besoin d’être seul…

Il me fixa d’un air qui m’invitait à déguerpir dans les plus brefs délais. La brièveté du « bref » étant la plus brève qu’un « bref » puisse être bref. Tans pis pour les toilettes.

Il m’accompagna jusqu’à la sortie d’un pas pressé. Peut-être que sa vessie aussi lui jouait
des tours ?

– Passe une bonne journée, dit-il. Dis « au-revoir » au monsieur !

Et son tatouage me dit poliment :
– Au revoir monsieur !

Tordant ce tatouage de singe ! Vraiment d’enfer ! Vivement que l’on fasse un voyage ensemble.

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