Les mémoires d’un pirate (036)

– Pas fraiment, fit Smirk édenté. Le feul qui f’en frend flein la gueule ifi f’est moi… Fa f’est encore la faute à la fociété !

Pendant ce temps, Goodnight et moi continuions à faire joujou. Je le poussai de plus en plus à la faute. Il y eut alors une pause durant laquelle mon vaillant adversaire me balança:
– Je ne trouve pas de mot pour exprimer mon dégoût !

Mais…

– Si tu insistes, je t’enseignerai l’alphabet, lui répliquais-je instantanément.

Et je sectionnai moi aussi les boutons de son tricot sous les regards médusés de la foule et notamment de Shinetop.

– Ce gamin est dangereux, déclara-t-il tout haut pour lui-même.
– Il porte furtout malheur à felui qui l’approfe ! déclara Sylvester Smirk.

Et un courant d’air fit claquer la porte du Scumm Bar qui ne s’abattit pas cette fois sur Smirk mais sur l’épée d’un pirate aux yeux injectés de sang, qui alla se planter dans la cuisse de mon pauvre entraîneur.

Evitant un coup qui n’avait ni plus ni moins pour objectif que de me couper la tête, je contre-attaquais en envoyant un coup de pied à la jambe de Larry Goodnight. Il posa un genou à terre, où il jura de plus belle.

Je lui tendis la main. Ce combat n’était pas encore arrivé à son terme. Mais il abattit son sabre sur ma main, me tranchant la paume. Ah ! Du sang !

– Tu es un vrai mendiant à tendre la main de la sorte… me cracha-t-il haineux.

Je lui envoyai mon pied vers le visage mais il me l’attrapa et m’envoya valdinguer à plusieurs mètres au loin.

– Couché le chien ! me dit-il en se relevant.

A l’aide de mon épée, je m’efforçais à mon tour de me remettre sur mes deux pieds.

– J’ai dit « couché » ! Tu comprends vraiment rien. J’avais un chien plus intelligent que toi !

Il leva son sabre au-dessus de sa tête. Il allait me frapper de toutes ses forces Ce qu’il fit d’ailleurs… mais par le plus grand des hasards je pus esquiver ce coup mortel.

– Raté ! cria le shérif dépité en tapant sur la tête de Smirk.

Le sabre de Goodnight s’étant malencontreusement coincé dans une des planches du ponton, son propriétaire s’efforçait de le retirer.

– Ce chien a dû t’apprendre tout ce que tu sais, dis-je à Larry.

Alors que je m’approchais de lui pour lui serrer la main en bon joueur, il plia son sabre coincé dans sa planche et le relâcha dans ma direction. Le manche cogna mon entrejambe me forçant à laisser échapper un cri digne d’un castrat.

– Oh mais… ta voix n’a pas encore mué mon biquet ? jacassa Goodnight réussissant enfin à retirer son arme de la planche.
– Excuse-moi j’ai fait un tube l’été dernier, lui dis-je d’une voix aiguë en sautant comme un cabri.

Il m’avait fait ce qu’on appelle à juste titre un coup bas. J’entrevis le shérif sourire de ma disgrâce. Courageusement je redressais mon épée vers mon adversaire et, c’est étrange mais il me semblait entendre jouer la musique du « Casse-noisettes »…

Nous croisâmes encore de fer. Et après un court mais néanmoins éprouvant échange, il plaqua son visage contre le mien. Dieu qu’il était laid !

– Les gens tombent comme des mouches quand j’arrive, me murmura-t-il à l’oreille.
– Avant même de sentir ton haleine ?

Je lui envoyai un grand coup de tête. Mais pour être franc, je ne pense pas lui avoir donné plus de douleur qu’à moi-même. Les étoiles dans le ciel semblaient avoir décuplé, si ça peut aider à vous donner une idée de l’état dans lequel je me retrouvai.

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