Les mémoires d’un pirate (031)

– J’en ai un. Tu as autre chose à me proposer ?

Tans pis pour mon argent. Je sortis 30 pièces de huit, prix du cours d’escrime.

– Parfait. Et ton épée.
– J’ai toujours ce poulet à la mine effrayante, lui dis-je pour une raison que j’ignore encore aujourd’hui et que j’ignorerai probablement à tout jamais.

Finalement, il devait bien avoir une malédiction vaudou ce truc.

– Ca peut être en effet dangereux de balancer un poulet avec une poulie au milieu, me confia Sylvester Smirk. Mais ça ne vaut pas une épée…

Je sortis enfin mon épée et la lui présentai :
– Monsieur Smirk ? Voici le Roi de l’épée. Le Roi de l’épée ? Voici Monsieur Smirk.
– Enchanté.

Il se gratta alors la tête, ressortit son peigne et se recoiffa.

– Elle est de bonne qualité ! dit-il surpris. Commençons tout de suite.

Il m’invita, enfin, à rentrer chez lui. Le capitaine Smirk habitait dans une grande salle de gymnase où étaient entreposés un peu partout des sacs de sable, des mannequins d’entraînement, un canon et une poupée gonflable d’une blonde aux gros seins.

Mon nouvel entraîneur se tourna vers son élève prometteur (moi) :
– Bon, attends un peu que je m’éloigne de toi. On ne sait jamais, l’épée pourrait t’échapper et splotch ! Dans l’oeil valide !
– Bien professeur.
– Ok, espèce de ver de terre, pourquoi ne sors-tu pas ton épée pour me montrer ce que tu sais faire ?

M’emparant vaillamment de ma fidèle épée, je commençai à gesticuler comme un forcené. Je m’imaginais combattre contre la police locale de Port Royal avec Carla. Quelle
déculottée on leur mettait ! Parade, puis contre-attaque fulgurante…

Smirk se gratta la tête, sortit un peigne avec lequel il recoiffa sa brosse.

– Bon… dit-il mollement. D’habitude je ne perdrais pas mon temps avec une vermine de ton espèce. Mais les affaires ne marchent pas très fort depuis cette histoire de LeChuck…

Je n’ai pas le choix, j’ai besoin d’argent.

Rien ne vaut la franchise. Pour lui prouver que je n’étais pas le mollusque qu’il s’imaginait, je repris mes mouvements de plus belle. Je sentais d’ailleurs de nets progrès lorsque l’épée me glissa des mains et alla se planter en plein milieu de la poitrine d’un mannequin d’entraînement. Smirk se gratta la tête, il s’apprêtait à sortir le peigne lorsqu’il ouvri timidement la bouche :
– Oui. Je vois que des mesures héroïques vont être nécessaires. Attends un instant. Je
reviens.

Pendant que j’allais retirer mon épée du mannequin, Smirk enfila une armure de chevalier du moyen-âge. Diable ! Etais-je si bon à ce point que même mon professeur décide de se protéger autant de mes coups impitoyables ?

Smirk s’approcha de moi lentement, à cause de son armure lourde et grinçante. Il souleva la visière du casque et me dit :
– Il faut que tu saches que je ne fais pas ça pour tout le monde. C’est parce que je sens un lien spécial entre nous, de professeur à étudiant, et de professeur à pièces de huit. Je vais te faire combattre contre…

… Un éclair déchira froidement en deux le ciel de Mêlée au moment où il prononça le
nom de…

– … la MACHINE !

Il referma la visière du casque et se dirigea vers le fond de la pièce où de beaux rideaux bleus servaient de bâche à un énorme objet.

– La machine ? dis-je intrigué. Ca va faire mal ?

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