Les mémoires d’un pirate (030)

Il ouvrit les hostilités d’une manière bien à lui :
– Qu’est-ce que tu veux espèce de minable petit mollusque ? Qui t’a donné le droit de déranger le GRAND, le BEAU, l’INTELLIGENT Sylvester Smirk ? Sylvester ? Quelle coïncidence ! Ma voisine avait un chat noir complètement stupide qui portait ce même nom. Mais passons et revenons à notre histoire.

– Je peux entrer ? lui demandais-je poliment. Il fait un peu froid dehors.
– Ouais… trouva-t-il aussi. T’as raison, je vais attraper froid.

Et sur ce, il me claqua la porte au nez, manquant d’ailleurs de me le couper. Décidément, j’avais des problèmes avec les portes ces derniers temps.

Ne me laissant pas abattre pour si peu, je refrappais à la porte de ce demeuré de sportif de Smirk.

– Quoi encore ? me cria-il nerveux.
– Peux-tu m’apprendre à être meilleur que la Reine du Sabre ? dis-je plus directement.
– Meilleur que la Reine du Sabre ? Toi ?

Il ricana bêtement avant de m’envoyer de nouveau sa maudite fumée dans la figure.

– Jamais, tu m’entends, jamais tu n’arriveras à la hauteur de Carla ! Même après des

heures d’entraînement, même en suant du sang, tu n’y parviendrais pas. Il aspira une bouffée de son cigare puant et leva les yeux d’un air rêveur.

– Je me souviens, continua-t-il, avoir combattu côte à côte avec Carla à Port Royal. La police locale nous avait coincé ! On s’est dit « Ce coup-ci, on y passe ! » et puis elle m’a dit…

Me voyant bailler aux corneilles, il cessa sa ridicule histoire qui n’intéressait personne et surtout pas moi.

– Enfin bref, fit-il quittant son expression béate, je perds le fil de notre conversation… Mais une chose reste sûre ici : tu ne fais pas le poids.
– Tu permets ? lui lançais-je outré. Je suis à la hauteur !
– Et moi je te répète que tu n’es pas de taille !
– J’insiste !
– Tu ne vaux rien.
– J’insiste !

Ce n’est pas parce que ce type me faisait deux fois que j’allais me laisser intimider quand même ! La Reine du Sabre ne voulait pas m’affronter sans que je prenne le moindre cours avec ce Smirk, et cet imbécile ne voulait pas m’en donner à cause de préjugés qui n’engageaient que lui. Dans de pareilles conditions, comment voulez-vous que je termine mes épreuves ? J’avais un voyage qui m’attendait après ça ! Et… un singe géant ? Finalement, j’avais tout mon temps.

Mais Smirk se gratta la tête, sortit un peigne et redressa ses cheveux en brosse. Je l’appris plus tard mais en général un tel geste chez lui trahissait sa surprise. Autrement dit, je l’impressionnais !

– J’aime les caractères entêtés, fit-il. Je ferai ce que je pourrai. Naturellement ça va te coûter cher. Combien as-tu ?

Enfin on parlait argent. Mais vu les prix qu’indiquait la pancarte, ce n’était franchement pas donné. Peut-être alors que…

– Si tu veux je te donne ce poulet crevé en plastique, lui proposais-je.

Il sursauta. De surprise ou de colère ?

– Ce n’est pas un de ces poulets en plastique avec une poulie au milieu par hasard ?
– Oui.

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