Le jugement dernier semblait avoir sonné à ces mots. Cette race créée génétiquement par un savant fou sanguinaire ne semblait avoir d’autre raison d’être que terroriser les pauvres gens. Les voyous des villes les adoraient car ils se sentaient tout puissants avec ce genre de monstre. Ils l’étaient. Du moins jusqu’à ce qu’ils aient fini au fond de leur estomac ! Ces dents pointues, ces bouclettes ridicules et ces poils rasés… Brrrrr !
Le snobinard anticipa sur ma demande :
– Passons à l’épreuve de la chasse : une légende dit qu’il se trouve sur cette île un trésor inestimable. Tu dois le trouver et le ramener ici.
S’il était si inestimable, pourquoi n’y allaient-ils pas eux-mêmes ?
– Et je n’ai pas besoin de carte ? déclarais-je surpris.
L’éclat de rire qui suivit ma remarque fut si perçant qu’un dixième de ma capacité auditive passa à la trappe. Il est vrai que ma question était plus qu’hilarante, surtout pour un pirate cent pour cent crapule puante. Pour les non initiés, je veux bien traduire en langage com-pré-hen-si-ble : c’était un peu comme demander à un noble français durant LA révolution s’il avait perdu la boule.
– Tu ne penses quand même pas trouver un trésor sans l’aide d’une carte ? me rétorqua
le nain plié en deux.
– Et n’oublie pas qu’un X indique toujours l’emplacement exact, ajouta le barbu tout
aussi hilare.
Ce dernier versa un liquide pétillant dans un verre d’acier. Le fameux grog.
– Tiens, me dit-il en me tendant la chope.
Mon sang ne fit qu’un tour. Si je buvais cette chose, ma gorge ne ressemblerait plus qu’à
un gruyère. Mais si je ne buvais pas, je prouvais au conseil que j’étais une mauviette. Cruel dilemme. Je pris l’anse du verre qui picotait un peu, on sentait clairement qu’il se consumait peu à peu. Rien d’étonnant quand on connaissait ses ingrédients secrets pas si secrets (12). Un élixir ne contenant que des éléments sains et naturels : du kérosène, du propylène glycol, du sucre de synthèse, de l’acide sulfurique, du rhum, de l’acétone, du colorant n°2, de la crasse, de la graisse d’essieu, de l’acide accumulateur et parfois du pepperoni pour ajouter une pointe de piquant. Cette boisson étant ce qu’elle était, la plus corrosive et volatile du monde qu’il soit, elle faisait fondre tous les verres du Scumm Bar et le cuisinier dépensait une fortune pour les remplacer. D’ailleurs, le temps que je porte la chope à mes lèvres, elle avait déjà troué le fond et même le parquet. Ouf ! Afin que l’on ne m’impose point de procès pour dégradation involontaire de matériel d’autrui et aussi un peu pour votre santé mes amis lecteurs, j’aurais la bonne initiative de ne point vous indiquer les proportions de la recette du grog. On dit merci.
Ayant quitté ces buveurs de grog à la mauvaise haleine, je me dirigeais vers la sortie de ce magnifique Scumm Bar. Je n’avais pas que ça à faire. Les trois épreuves (voir plus haut pour les distraits ou pour ceux qui ce sont endormis) m’attendaient.
Sans déranger personne, je me contorsionnai afin de zigzaguer entre la foule, lorsque mon pied se prit dans un objet long et froid. Ma tête cogna contre une table puis je m’écroulai lourdement au sol comme un vieux sac de pommes de terre. Un grand silence atteint subitement le Scumm Bar. Une ambiance morte errait désormais. L’objet froid, c’était un grand sabre qu’un des pirates m’avait intentionnellement placé là pour obtenir le résultat d’une bonne chute, pour se marrer un bon coup, comme ça en fait, juste pour m’emm…
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12. Puisque marqué sur l’étiquette à cause de je ne sais quelle loi.