Les mémoires d’un pirate (009)

Chapitre 2: Et une… et deux… et trois épreuves !

Parfois, je me demande vraiment ce qui m’a un jour poussé dans la voie de la piraterie.
Car à bien y réfléchir, pirate n’est pas un métier aussi marrant qu’il y paraît. Tuer, piller,
voler… Trop banal à mon goût. Un métier dans lequel il ne faut pas l’oublier, on ne fait
jamais de vieux os, où alors sur un drapeau. En regardant autour de moi je pouvais aisément comprendre ce qui m’avait attiré : les pirates étaient tous d’horribles affreux jojos, aussi moches que ma tante Edna avant l’accident. Et pourtant, tous les canons rampaient à leurs pieds ! Je parle de filles, et non d’armes, bien entendu. Je reprends : les nanas étaient folles des pirates et cela malgré leur hideux physique.

Et pourquoi à votre avis ? Non pas à cause des perroquets mais grâce à la virilité que dégage un pirate. Etant un beau-gosse, j’avais encore plus de chance d’emballer les gonzesses que ces débris ambulants. ! En fait j’étais tout ce que ces pirates d’eau douce n’étaient pas : beau, fort, intelligent, trognon, chou, poutou, modeste et plein d’ambition. Avec eux, j’avais toutes les chances de devenir leur maître en peu de temps… et surtout de me taper des femmes magnifiques ! Il est toutefois étrange qu’en devenant pirate, un ringard devienne subitement aux yeux des femmes un magnifique spécimen. On devient plus beau sans avoir changé d’un chouilla et de plus ce sont désormais ces superbes femmes que l’on traquait jadis pour n’obtenir au maximum qu’un simple regard empli de mépris, qui nous pourchassent à leur tour. Elles jurent qu’elles nous aiment depuis toujours mais qu’elles avaient peur d’avouer leurs sentiments et gna, gna, gna et gna, gna, gna ! En tant que désormais homme d’expérience, je peux déclarer sans honte, haut et fort, que la femme peut souvent se révéler l’être le plus perfide, détestable et malin qu’il soit. Et pourtant, on ne peut pas s’en passer. Si elles n’étaient pas là, qui diable ferait la vaisselle ?

Tout cela pour dire que j’aime les femmes plus que tout au monde et que c’est pour elles que je dois aujourd’hui d’être ce que je suis. Ma motivation était là : les gros seins ! Ce qui se trouvait en face de moi à ce moment-là, pourtant, ressemblait à tout sauf à d’énormes mamelles qui me tenaient et me tiennent toujours tant à coeur. Trois types assis devant une longue table de bois rectangulaire buvaient et mangeaient sans prendre garde à ma misérable présence. Alors c’était donc ça le fameux conseil des pirates ? Comme un sapin de Noël, j’avais les boules. Ne dit-on pas qu’il ne faut jamais se fier aux apparences ? Allons, que diable ! Ce conseil des pirates avait une réputation à défendre, comment pouvaient-ils me décevoir ?

Les trois joyeux drilles attablés étaient aussi assortis qu’un smoking avec des chaussures
de clown. Le premier pirate, celui de gauche près du grand rideau, était le type même du
pirate, un peu comme ce Mancomb Seepgood : grand, barbu, dans les cent-dix kilos et coiffé d’un grand chapeau de marin. Une petite particularité chez lui toutefois : des petites pinces en forme de crâne de squelette enroulaient les poils de sa barbe. Ce n’était ni chic, ni à la mode, mais il fallait avouer que ça en jetait. Si j’avais eu un peu plus de barbe à cette époque j’en aurais volontiers porté moi-même. Mais avec mon mince duvet, j’aurais eu l’air peu fin. Le second pirate était assis sur une graaaaaande chaise. Il ne dépassait pas pour autant les autres. Car c’était plutôt un petit gabarit. Voire, un nain. Tout en lui était si petit : son chapeau, ses yeux enfoncés, son nez, sa bouche et… sa veste beige, trop courte d’une bonne vingtaine de 15 centimètres au niveau des manches ! Il ne payait pas de mine mais il était membre du conseil. Et ça, faisait enfin ressortir quelque chose de grand de ce petit bonhomme : le respect. Quant au dernier de ces messieurs, c’était un pirate plutôt bourgeois. Il ne portait pas les haillons réglementaires mais des vêtements brodés de luxe spécialement importés de Paris.

En fait, plus qu’un pirate, ce type ressemblait à un noble. Il ne se contentait pas comme ses congénères de l’habituel grog coupé à l’eau du Scumm Bar. Il fallait que le cuisinier lui fasse importer également de France, le meilleur des Champagnes. Et seulement alors, il buvait le grog coupé avec son Champagne. Parfois, il lui venait l’idée saugrenue de commander un Martini secoué mais non agité. A la cuillère, cela va de soit. J’appris plus tard qu’il avait servi sa majesté la Reine d’Angleterre dans les services secrets ! Mais cette histoire ne nous concerne pas réellement (10). Par contre, je trouvais que son eau de Cologne empestait à des kilomètres. C’est toujours mieux que la crasse me direz-vous mais pourtant comme tout pirate, il lui était obligatoire d’empester. Etre sale et encrassé étaient des valeurs importantes dans la piraterie ! Et en effet, il dégageait une odeur de crasse… euh… propre.

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10. Pour ceux que ça intéresse, la marque du Champagne est Don Pérignon. Et ça vous étonne ?

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