Normalement, pour devenir pirate il faut aller à l’école et choisir la voie S (comme sang,
sadisme, salace, saccager etc…). Mais impossible pour moi de passer par cette épreuve. Non pas que j’étais mauvais élève, j’étais plutôt d’un niveau moyen, voire bon, mais les études me sortaient des yeux. Donc je décidais un jour de carrément sortir de la classe pour ne plus y revenir. Inutile de préciser que mon (deuxième) jeu préféré après les cours était la piraterie.
Mes parents m’aimaient beaucoup et connaissaient ma (deuxième) passion. Mais ils ne
cessaient de me mettre en garde, sur le fait que c’était un milieu difficile et qu’il ne fallait pas me faire d’illusion : être un pirate ne serait pas facile. Selon eux, il me faudrait d’abord pour cela me crever un oeil, me couper une main pour la remplacer par un sympathique crochet, et m’acheter un perroquet. De plus, je n’avais pas mon BAC (Brevet d’Assassin Chaotique). Difficile ainsi de parvenir à mes fins. Mais quand on veut très fort quelque chose, on finit toujours par y arriver. Un an avant que j’entreprenne mon départ vers l’île de Mêlée, mes parents, en allant chercher du pain, disparurent. J’avais alors 19 ans, et ils venaient de m’abandonner, sans argent, sans nourriture, sans abonnement à « Corsaire Magazine ». Une petite brise d’air frais me propulsa hors du royaume des rêves. En ouvrant les yeux je contemplai l’île de Mêlée. Enfin non. Il faisait nuit et on n’y voyait rien. Mais je baisai ce sol béni avant de me relever et de partir vers un promontoire. J’avais échoué sur une petite plage et, comme par hasard, le seul moyen de quitter cet endroit était d’escalader la colline en face de moi.
J’aurais très bien pu repartir dans l’eau et contourner la plage, mais je ne sais pas pourquoi, je commençais à faire une allergie à ce maudit liquide. Après une dizaine de minutes, j’atteignis le sommet. Il y avait une lumière, c’était le feu de camp d’un pirate isolé. En regardant bien, je me rendis compte que cet endroit était idéal pour surveiller les environs. Idéal pour placer le guetteur de l’île. En m’approchant de la source de lumière j’aperçus un gars. Pas de doute, c’était un pirate, il en avait bien l’allure et surtout l’odeur. Je ne m’étais pas trompé d’île. Le guetteur était un vieux briscard d’au moins soixante ans. Il portait sur le nez des culs de bouteilles… ce gars était myope comme une taupe. Je m’attardai d’abord sur son feu de camp pour sécher mes vêtements encore humides. Le myope ne m’avait pas… euh… vu. Ce qui est normal quand on y pense. Il était trop occupé à surveiller l’horizon, en quette de bateaux étrangers, amis ou ennemis. Un guetteur ne pouvant apercevoir un éléphant dans un couloir n’était pourtant pas courant. A croire que les pirates ne craignaient aucun visiteur.
– Hum… fis-je pour ouvrir la conversation.
– Ne me tuez pas ! s’écria-t-il levant ses longs bras au ciel et tremblant comme une
feuille. Il se tourna vers moi, blême, et m’observa lentement de la tête aux pieds. Il me regarda attentivement et de très près. Il fit ensuite une mimique ressemblant sommairement à une grimace.
– Mais… Tu n’es pas LeChuck ! bredouilla-t-il étonné.
– LeChuck ? Non. Je ne crois pas avoir un jour porté ce nom là. Moi c’est Guybrush Threepwood, je viens d’arriver et…
– Un étranger ? Quand es-tu arrivé, je n’ai pas vu ton bateau ! Pas étonnant. Même si j’étais venu dans le plus gros bateau du monde, je doutais que ce
type en ait aperçu la proue.
– Et qu’est-ce qui t’amène dans ce coupe-gorge ? me demanda-t-il.
– La réputation de cette île, répondis-je sobrement. Le myope me jeta un regard flou… façon de parler bien sûr… Il me rota en pleine figure et il me fallut rassembler toutes mes forces pour ne pas tomber dans les pommes.
– J’ignorais que l’île avait une quelconque réputation, déclara-t-il perplexe.
– C’est bien ici que résident les plus terribles pirates du monde ? demandai-je en plein
doute.