Les mémoires d’un pirate (111)

– Ouvre les yeux ! fit la tête de navigateur.

Lentement, j’ouvris un oeil. J’ouvris le second pour qu’il me confirme ce que voyait l’autre. Incroyable ! Un chemin s’était formé devant moi, le mur qui demeurait en face avait disparu comme par enchantement ! Quant au niveau de la lave, il était redescendu, à moins qu’il ne soit jamais monté. Sans doute la chaleur. La tête me fit signe d’avancer. Ne désirant pas retenter le diable en sa demeure, je fis ce qu’elle me demandait. En tout cas, après mon pantalon, c’était mon caleçon que j’aurais besoin de changer. De toute urgence.

Mais où étaient donc ces imbéciles. A part Goodnight qu’elle avait trouvé aisément endormi sous un arbre, elle n’avait pu retrouver Otis et Meethook. Carla entendit un bruit. Ca venait des buissons. Hum… Elle ramassa un gros caillou puis le lança dedans. Rien. Elle aurait pourtant juré que… Elle s’approcha du tas de feuilles et y mit le feu. Hum…

– Otis, je t’ai vu dans le buisson.

Pas de réponse. Quel sale tricheur celui là ! Il lui vint une idée.

– Oh ! Mon T-Shirt me tient trop chaud. Je vais l’enlever…
– Ca ne prend pas ! cria le buisson. Tu ne crois pas que je vais me laisser démasquer avec une ruse aussi minable quand même !
– On est bientôt arrivés ? demandais-je pour au moins la dixième fois.

Et pour la dixième fois la tête me répondit :
– On arrive bientôt.
– Ouais, tu parles !
– Bien sûr que je parle ! Tu vois cette grotte devant toi ?

Je la voyais. On pouvait y accéder par deux chemins d’ailleurs. Le premier en traçant tout droit, le second en passant par un chemin long et tortueux vers la droite.

– Bien sûr que je le vois. Qu’est-ce qu’il a de si spécial ?
– C’est après elle que tu arriveras enfin au bateau fantôme de LeChuck.
– C’est pas trop tôt ! dis-je en m’engageant logiquement sur le plus court chemin.
– Stop ! me cria la tête.
– Rohhhhhh ! Quoi encore ?
– Je te conseille fortement de prendre le chemin de droite.
– Pourquoi ? On ne t’a jamais dit que le chemin le plus court d’un point à un autre est la ligne droite ?
– Si. Mais on m’avait aussi dit que les têtes toutes seules ne parlaient pas non plus, alors tu sais…

Stupide. Je décidai d’ignorer son conseil. Il était peut-être très fort pour s’y retrouver dans les chemins tortueux mais il n’était pas à la hauteur quand tout était simple. Le cas typique de l’intellectuel qui ne sait rien faire simplement.

– Ne fais pas ta tête de mule ! me cria-t-il.
– Tu peux parler, toi !

Alors que je me trouvais à mi-chemin, le sol se mit à trembler.

– Oh, oh !

Le chemin se mit à partir en brioche, depuis la grotte, vers moi.

– Je te l’avais dit, me fis remarquer la tête.

Je tournai les talons et repartis en courant en sens inverse et en criant « Oh, maman ! ».

Je sentais le chemin qui disparaissait derrière moi et la lave qui se rapprochait de moi de plus en plus.

– Et si je ferme les yeux ? demandais-je à tout hasard à la tête.
– Tu crois pas que ça marche à tous les coups quand même. Cours espèce de demeuré !

C’est ce que je faisais. Je n’aurais jamais pensé être aussi rapide, surtout avec une telle chaleur. Je n’étais plus très loin de la berge, mais le vide derrière moi non plus. L’une de mes jambes, et peu m’importait si c’était la droite ou la gauche pour ceux qui aiment les
précisions, sembla soudainement pendre dans le vide. Avec l’autre, je pris mon élan et sautai vers la berge.

– Trois petites épreuves, qu’ils disaient !!!!!!

J’étais sauvé ! J’étais parvenu à retomber sur la terre ferme. Mais j’avais perdu la tête ?

Enfin, pas la mienne, ou plutôt si… Enfin la mienne mais celle du navigateur. Bref, où était-elle passée ? Je cherchai autour de moi en tâtonnant, quand il me sembla entendre des plaintes étouffées.

– Hého ma tête ? Où es-tu ma tête ?
– Mmmmh !

Elle était là ! Accrochée au bord grâce à ses dents. La tête vers le bas. Je la récupérai.

– Tu me dois une fière chandelle ! lui dis-je.

Elle me regarda de travers en serrant les dents. Elles étaient toutes noires à cause de la roche mordue.

– Tu es trop impatient ! me dit-elle. Tu n’as vraiment pas la tête sur les épaules !
– Oh, tu peux parler… dis-je gêné en évitant de croiser son regard globuleux.
– Et arrête de répondre comme un gamin de six ans !
– Et l’autre ! C’est celui qui le dit qui l’est !

Je repris ma route. En suivant cette fois le seul chemin qui me restait. Difficile de me tromper cette fois.

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