Les mémoires d’un pirate (091)

Je sentais bien que ça démangeait tout le monde de lui demander quelque chose à ce propos. Mais l’homme n’ayant plus toute sa tête, on hésitait tous à poser cette question.

Ce fut finalement Otis qui la lâcha :
– Mais pourquoi n’es-tu pas parti avec les chimpanzés ?
– Passer des SEMAINES avec une bande de singes ? Quelle idée !

C’est vrai que j’ai déjà eu du mal à supporter quatre exemplaires soit disant évolués durant le voyage. Son point de vue pouvait aisément se comprendre.

– Tu es tout seul sur l’île alors ? lui demanda Goodnight les larmes aux yeux.
– Je suis en effet la seule personne civilisée de toute l’île. Il y a bien une tribu d’indigènes, des chasseurs de têtes je crois. Mais je ne les côtoie plus. Ce sont des cannibales mais ils ont un régime végétarien forcé en ce moment. Pas de viande à se mettre sous la dent depuis que des spectres ont assailli l’île de force. Ils font fuir les touristes. Et c’est bien connu : c’est les touristes qui vous nourrissent sur ce genre d’île. Des cannibales végétariens c’est plutôt inoffensif vous ne croyez pas ? Le seul truc qu’il ne faut pas faire avec eux, c’est de leur prêter quelque chose. Je leur ai prêté mon ramasse-bananes™ (46) et ils ne me l’ont jamais rendu. En échange ils m’ont prêté un énorme coton-tige ! Qu’est-ce que vous voulez que j’en fasse moi de ce truc ? En tout cas, s’ils veulent récupérer leur fichu bidule, ils ont intérêt à me rendre d’abord mon précieux ramasse-bananes™ Tudieu !

– Tu es rigolo sans pantalon, lui dis-je soudain.
– Tu peux parler avec tes fesses à l’air !

Mince, j’avais oublié.

– Et puis d’abord qui es-tu pour me parler avec une telle audace, mon p’tit pote ? me demanda-t-il.
– Je m’appelle Guybrush Threepwood. Je suis ici pour libérer le gouverneur.

Il sauta de joie.

– Me voilà ! cria-t-il. Je suis content que vous soyez enfin venu à mon secours. Vous auriez pu arriver plus tôt quand même. J’ai un livre de bibliothèque à ramener depuis un moment maintenant. La note risque d’être salé à cause de ce retard. Allez, on y va !

Ca me faisait de la peine de le lui dire mais…

– A vrai dire, ce n’est pas exactement à toi que je pensais. Je suis venu à la recherche du gouverneur de l’île de Mêlée, qui a été kidnappé par un fantôme.

Herman fit une grimace qui n’avait rien à envier à celle d’un vieux singe. Il partit dans un coin en boudant.

– Fais comme tu veux, ne m’aide pas, baragouina-t-il. Je me plais ici de toutes façons.

Avec la pluie sur la tête, le vent dans le dos et les insectes dans mon assiette. Je le rattrapai avant qu’il ne disparaisse à nouveau.

– On peut te ramener avec nous si tu veux.
– Je me demande bien comment. On n’a pas de bateau, fit la voix chuchotante d’Otis dans mon dos.
– …Mais d’abord, continuais-je, je dois trouver le gouverneur.

Herman sourit, ce fut sa seule manière de montrer sa gratitude.

– Oh, d’accord, dit-il. Je t’ai raconté comment les cannibales m’ont emprunté le ramasse-banane™ et ne me l’ont jamais rendu ?

En plus d’être cinglé, cette vielle bique n’avait pas de mémoire.

– Oui, ça y est.

————————–

46. Le ramasse-banane est un objet qui, comme son nom l’indique, permet de ramasser les bananes. Il est surtout pratique pour atteindre les bananes situées trop haut sur un bananier. (vous avez déjà vu des bananes dans un pommier vous ?). Car il est composé de la manière suivante : une énorme paire extensible de gants qui peut s’étendre jusqu’à dix mètres de haut. Inutile de préciser qu’une invention aussi utile et malicieuse est une marque déposée par la société Toothrot, 5eme du nom.

Laisser un commentaire