Les mémoires d’un pirate (053)

Si. Une explosion retentit, catapultant la porte contre le malheureux shérif qui se fit de plus placarder par le rhinocéros. Quant à moi, je pénétrai dans un petit bureau, une pièce ordinaire, mais avec un Yak incroyable au milieu de la pièce. Il était gros, poilu et mangeait de la guimauve. Et comme par hasard, cette espèce de boule de poils bloquait l’accès à un escalier. Comment le faire bouger ? Je tentais l’affaire avec un bon coup de tire-agrafes trouvé sur le bureau.

J’avais toujours rêvé de jouer les passes-murailles. Le Yak le réalisa en me renvoyant dans le grand salon principal par… un raccourci. Je venais de défoncer le mur, et un tableau (celui de Barbe Bleue en string, je crois), pour aller me plaquer sur un précis grammatical de la bibliothèque. Sans même pousser le moindre « Aïe » ou le moindre « Même pas mal », je repartis à l’attaque du Yak en passant par le trou béant du mur qui faisait il est vrai un peu désordre. J’espérais que le gouverneur ne verrait rien.

Comme par hasard, le Yak était revenu à sa place initiale. Il me regardait d’un oeil mauvais, tout en continuant à mâcher sa guimauve. Le shérif titubant se précipita vers moi, le sabre à la main. Profitant de son élan, je le fis basculer en arrière, le propulsant sur une table en bois qui vrilla quelques secondes en l’air avant de s’abattre sur son nez. Vite ! Il fallait réagir avant qu’il ne reprenne connaissance… C’était déjà fait ! Il se releva sans presque faire de chichi ! Increvable ! (34)

Pourtant, je m’apprêtai à lui assener un coup qui lui serait probablement fatal : arrachant malgré les protestations évidentes du Yak, la guimauve de sa bouche, je le sommai d’aller la chercher là où je l’avais jetée, sur la tête du shérif. Et comme le Yak n’était pas content, mais alors là, pas content du tout, il partit récupérer son bien au triple galop.

– Non ! fut le dernier mot du shérif avant de faire un autre trou à son image dans le mur.

Quant à moi, il me fallait faire vite et en toute discrétion. Je montai les escaliers pour arriver dans un… non… si… tunnel sous-terrain, envahi par des taupes, des taupes grosses comme des chiens ! Il y en avait dans tous les coins ! Par les dessous du Duc Hon, c’était une maison de cinglés ! Là ! Un poison pour taupe, posé négligemment sur le sol. Je l’utilisai sur une taupe, puis encore une taupe, puis sur une horde de taupes et dans mon élan sur un drôle de petit bonhomme ! Ce dernier, qui qu’il fut, n’était pas content non plus et me le fit comprendre en m’expédiant un magistral uppercut qui me fit rejoindre l’étage supérieur.

Il venait de m’envoyer dans la salle au trésor ! Sacré petit bonhomme, il m’y avait mené tout droit, à travers un plafond de terre et de béton certes, mais tout droit quand même. Et elle était là cette idole aux mains nombreuses, je le savais parce que c’était marqué dessus, elle était là, si belle, si dorée et… dépourvue de la moindre main ? En fait, ça ressemblait plus à un presse papiers qu’à autre chose. Elle était attachée à un socle par un gros cadenas. Et celui-là, par le trident de Neptune, il n’était pas en plastique, mais bel et bien en acier trempé. Même en le mordant, il ne céderait pas. Je ne pouvais pourtant renoncer si prés du but !

Ho, ho ! Le shérif revenait une fois encore à la charge : il tentait discrètement de monter jusqu’ici à l’aide d’un escabeau. Mais les reflets de son crâne l’avaient trahi. Là-bas, dans le coin ! Une chaise lourde. Une chaise très lourde. Une chaise si lourde qu’il m’était d’ailleurs impossible de la soulever ! Mais j’avais plus d’un tour dans mon sac. J’oserais plutôt dire : plus d’un tour dans ma poche ! Par un génial tour de magie, le Black Hole engloutit la chaise, franchement trop lourde pour être honnête.

Le shérif sautait pour atteindre le trou au plafond. Il cessa soudain lorsque la chaise cruellement trop lourde glissa hors de ma poche pour finir sur la boule lisse de Shinetop. Il s’écroula au sol en grognant, dernière objection contre ma présence dans le palais. Cette fois, il était enfin dans les pommes et pour un bon moment. J’aurais peut-être enfin la paix. Seulement, si je ne pouvais m’emparer de cette maudite idole, j’étais bien avancé. Je partis en sens inverse, sautant, sans le faire exprès, à pieds joints sur le maudit shérif. Je sortis du palais et après une petite course à pied qui brûla mes dernières énergies, je tentai d’entrer dans la boutique du vieux marchand. Tonnerre ! Il était fermé ce sale bouc ! Dépité, je flânai dans les rues de Mêlée, songeant à mon misérable sort : si prés du but… et pourtant si loin.

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34. Pas comme un certain poulet en plastique avec une poulie au milieu de ma connaissance.

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