Les mémoires d’un pirate (131)

Cette fois, mon atterrissage fut plus heureux puisque je tombai directement dans la mer.

Enfin, c’est ce que je me disais avant de voir tournoyer autour de moi un maudit aileron de requin. Mais mon sauveur arriva en la personne de LeChuck. Il me tira hors des flots, avant de me renvoyer voltiger dans les cieux.

– Aaaaaaaaaah ! fit qui vous savez.

Imaginez une île toute petite qui se rapproche et s’agrandit de plus en plus vite. Imaginez qu’au fur et à mesure, cette vision se transforme en magasin de bateaux d’occase tout neufs, puis en grosse boite métallique… Je crois que c’est là-dedans que s’est terminée ma course.

Dans la machine à grog de Stan. Ca puait là-dedans, mais il faisait drôlement frais. J’y serais bien resté tout un été. Soudain, j’entendis des pas qui s’approchaient de moi. LeChuck ?

– Quel plaisir de presque te revoir mon garçon ! fit une voix rapide et familière.

Non ! C’était Stan !

– Comment va le navire ? me demanda-t-il. Si tu veux l’échanger contre un ballon, c’est d’accord !

Comme par hasard, j’avais chuté la tête en bas. Je tentai de trouver une sortie à cette maudite boîte mais à part l’endroit où tombaient les canettes, je n’en voyais pas d’autre. Et c’était trop étroit pour que j’y passe. Le pire, c’est qu’au moindre mouvement, une canette me tombait dessus. Tiens ? La voilà ma pièce !

Le corps immatériel de LeChuck se posa en face du marchand aux longues dents. Suivi par sa tête qui avait eu du mal à suivre les jambes. Elle se fixa à son cou alors que Stan ne semblait pas plus impressionné que ça. Un client original devait-il se dire. Mais un client malgré tout. Ravi d’accueillir un nouveau pigeon, il commença à l’embobiner avec son baratin habituel :
– Salut, mon brave !

Il tenta de lui taper sur l’épaule, mais sa main passa au travers du corps immatériel de LeChuck. Il regarda sa main, imprégnée d’un ignoble liquide bleu visqueux. Il aurait pu se moucher songea-t-il en s’essuyant avec un mouchoir en dentelle brodé d’un « S ».

Il ne fit pas attention à ce crétin de client qui faisait tournoyer son bras, avec un énorme poing au bout cela dit en passant, et continua son insupportable baratin :
– Rien qu’à te regarder comme ça, je vois que tu es un homme d’expérience. Un homme qui apprécie les belles choses. Un homme qui peut reconnaître une bonne affaire quand il…

LeChuck lui administra son poing sur les gencives l’envoyant voler à son tour dans les airs. Il continua d’ailleurs à lui parler des formidables promotions qu’il proposait mais au bout d’un moment, il fut si loin qu’on ne l’entendit plus du tout. Avec un coup pareil, le pauvre allait se retrouver sur la lune !

LeChuck se tourna ensuite vers la machine à grog. Vers moi, en somme. Il tapa sur les boutons de la machine avec ses poings et ses pieds, il la secouait violemment. A l’intérieur, toutes les boissons me tombaient sur la tête ! Il abrégea mon calvaire en insérant sa main dans le compartiment à boisson et en m’y cherchant à tâtons. Il appuya si fort sur le bouton « éjecte », que je fus propulsé hors de la machine avec tout son contenu, argent et boisson.

Je me relevai difficilement pour m’apercevoir que LeChuck n’était plus bleu mais rouge de colère. Il faisait tournoyer encore son poing en ramassant avec son autre main, toutes les pièces qu’il pouvait.

Par terre ! Une canette de bière de racine, « Made in Monkey Island by Lemonhead » ! Je me jetai dessus et tirai sur la languette en aluminium après l’avoir bien secouée auparavant.

Enfin, je libérai la pression sur la sale carcasse du fantôme LeChuck.

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