Les mémoires d’un pirate (123)

– Et vous ? demandai-je aux deux autres.
– Je pourrais m’acheter un hamac avec l’argent pour me piquer des bons roupillons toute la journée ? demanda sans surprise Goodnight.
– Bien sûr.
– Alors ne nous endormons pas sur nos lauriers ! Allons-y ! cria-t-il.

Ce sont parfois les désirs les plus idiots qui motivent le plus.

Je me tournai vers Otis, le seul à na pas avoir donné son feu vert. Il se grattait le menton et semblait songeur.

– Alors Otis ? lui demandais-je.
– Je ne sais pas, dit-il. C’est quand même assez risqué.
– Tu n’avais pas des problèmes d’argent à régler ? lui demanda Meethook.
– Tu pourrais les rembourser avec la récompense, glissa habilement Carla.

Otis nous regarda puis se mit à sourire.

– Je sais ! Je vais me payer un voyage organisé sur une île tropicale ! Bronzer toute la journée, le rêve ! Allez, on y va ! Ca va chauffer !

Je ne croyais pas que ce serait ainsi qu’il parviendrait à rembourser un jour ses dettes…

Bien. Maintenant, tout ce qu’il nous fallait trouver, c’était un plan.

– C’est l’idée la plus stupide que tu aies jamais eu… me confia Meethook écoeuré.
– Et pourtant c’est pas les mauvaises idées qui t’ont manqué ces derniers jours, ajouta Otis.

Il est vrai que l’idée de nous peinturlurer le corps et la figure avec de la farine était un peu grosse, voire un peu cliché. Mais ça pouvait marcher. A part Otis qui, même avec sa triple-couche de farine était toujours un peu rouge à cause de son coup de soleil, nous ressemblions tous à des fantômes, bien en chair. La seule chose qu’il ne fallait pas nous demander, c’était que l’on se mette à jongler avec nos têtes. Car je l’avais oublié sur l’île avec Toothrot. Au moins, la tête de navigateur lui tiendrait compagnie.

En approchant de l’église, nous entendîmes tous une macabre mélodie jouée à l’orgue. Les notes de musique semblaient pétrifier l’air et l’atmosphère. On aurait plus dit une marche funèbre qu’un chant nuptial. Mais je constatai avec satisfaction que nous n’étions pas arrivés trop tard. LeChuck n’avait pas encore fait dire oui à Elaine.

Un fantôme à l’aspect lugubre gardait l’entrée de l’église. Il demandait les invitations à ceux qui voulaient entrer. Il est vrai qu’il y a toujours des gêneurs qui s’infiltrent juste pour manger au banquet parfois. Le spectre était extrêmement maigre mais c’était surtout le sabre rouillé qui était logé entre ses deux yeux qui attirait l’attention. C’était assez gênant de parler à un tel type car ça nous obligeait à loucher en permanence. Il suffisait d’un courant d’air pour qu’on reste paralysé ainsi toute sa vie. C’est dangereux ces choses là, vous savez ?

Nous voulûmes entrer discrètement dans l’église, quand il nous arrêta soudain.

– Vos invitations, nous demanda-t-il.

J’étais à la tête du groupe. C’est moi qui tentais de le berner malicieusement par une astuce aussi terrible que celle du singe à trois têtes :
– Nous les avons perdues.
– Vraiment ? se méfia le spectre. Tous les cinq ?
– Je les avais dans la poche de mon pantalon, puis elles ont disparu.

Le fantôme me regarda de la tête aux pieds puis me fit un grand sourire.

– Pas étonnant ! dit-il. Votre pantalon est tout troué !

Zut ! Encore ce maudit trou ! J’aurais pu profiter du voyage pour le recoudre.

– Allez, je veux bien vous croire, dit-il. Allez-y.
– Merci, répondîmes-nous tous.

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