Les mémoires d’un pirate (120)

– Alors, on y va sur cette île de Mêlée ? demanda Toothrot.
– Ouais ! criâmes-nous tous en choeur.
– En plus on n’a plus de crème solaire, déclara Otis qui s’était visiblement chopé un sacré coup de soleil.
– C’est ça ton bateau ? demanda inquiète la Reine du Sabre en posant un pied à bord. Il est bon pour la casse !

Carla était dure. Moi je le trouvais pas si mal. Il est certains que lorsqu’on a connu un chef-d’oeuvre tel que le Singe des Mers, on a du mal à s’imaginer flotter dans un tel rafiot.

Toothrot semblait l’avoir fabriqué avec des restes d’épaves. Bon d’accord les énormes trous dans la coque n’étaient guère rassurants, mais vu ces temps difficiles, nous n’avions pas vraiment de quoi faire les fines bouches.

– Ce coucou est peut-être moche à voir, mais il en a dans le ventre, c’est moi qui vous le dis, déclara tout fier son créateur.

Soit le vieux était le plus grand menteur de l’univers… ne cherchez pas, la phrase n’a pas de suite.

– Bon. Allons-y sans plus tarder.

Nous préparâmes ce que nous avions à préparer puis je criai à pleins poumons :
– Larguez les amarres !

Le bateau, par on ne sait quel miracle parvint à partir sans perdre trop de morceaux.
LeChuck… Cette fois tu ne m’échapperais pas !

– On est parti les enfants ! lança Otis plutôt satisfait.
– Tu es tout rouge, se moqua Meethook.
– Oh, la ferme !

Je jetai un coup d’oeil furtif à l’île aux singes, sans penser que mon lecteur crierait au scandale en constatant que nous n’y étions restés que l’ombre de quatre chapitres. En fait, je quittai ce lieu sans remord, car même si elle m’avait permis de faire des rencontres sympas, je n’oubliais pas que j’avais également risqué de finir dans une casserole, de me calciner dans de la lave en fusion, de me faire étriper par d’immondes spectres, de me faire aussi grignoter par un rat géant, et que mon postérieur avait été exposé à la vue de tous et que d’ailleurs il l’était encore… C’est quand même pas mal pour quatre misérables petits chapitres, je trouve. On ne peut pas dire que je vous aie arnaqué.

– Hé ! hurla soudainement Meethook à la barre. On a oublié Herman sur l’île aux singes !

Ah zut. C’est vrai qu’il m’avait dit de l’attendre parce qu’il avait oublié sa longue-vue… Oups.

– On retourne le chercher ? me demanda Meethook.

Ma décision fut rapide et irrévocable :
– Non. On n’a pas le temps. Et je ne crois pas que cette épave puisse repartir avec succès une seconde fois. On reviendra le chercher une autre fois.

Au fond de moi, j’espérais que la voix du vieux dise tout à coup dans notre dos « mais je suis là ! ». Mais ce ne fut pas le cas. Tant pis. Il devrait passer encore un peu de temps sur son île.

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