Les mémoires d’un pirate (118)

Monstre Rouge, Requin et Lemonhead refirent enfin leur apparition. Ce dernier tenait un gros flacon avec vaporisateur dans les mains. Il contenait un liquide couleur pêche. Il me le tendit en me souriant. Voir sourire un citron est une expérience que je recommande à tous, cela dit en passant. Enfin je tenais en mes mains l’arme fatale !

– Avec une goutte de ce truc, l’ectoplasme va fondre comme de la neige au soleil ! me promit Monstre Rouge.
– Et s’il en reste après, c’est délicieux avec un peu de glace à la vanille, ajouta Lemonhead.
– Par contre, s’il vient à t’en manquer, en mélangeant quelques gouttes de ce produit avec de l’eau et en agitant le tout, tu peux en reproduire à volonté, continua Requin.
– Oui mais quand c’est coupé à l’eau, ça n’est plus aussi bon avec de la vanille, m’avertit Lemonhead en bon gourmet qu’il était.
– Bonne chance, me dit Monstre Rouge. Ne nous revenez pas trop maigres d’accord ?
– C’est promis les amis, lui dis-je. Merci pour tout, jamais je ne vous oublierai.

Goodnight et Carla se mirent à pleurnicher comme des madeleines.

– C’est beau ! dirent-ils.
– Moi je trouve ça franchement ringard, nous confia Otis alors que personne ne lui avait rien demandé.

Lemonhead se dirigea vers Carla.

– Toi non plus nous ne t’oublierons jamais, lui dit-il. Nous vénèrerons tes photos tous les jours, au même titre que la tête sacrée de singe !
– Tu parles d’un honneur… déclara la Reine du Strip-tease peu emballée. Si tu pouvais les envoyer à un producteur ça m’arrangerait plutôt.

Requin empoigna Meethook, de loin le plus gros de nous tous.

– Faute de mieux, je te garderai toujours dans ma mémoire, lui confia-t-il en pleurs.

C’est drôle, mais Meethook fut le premier à vouloir s’en aller d’ici. Peut-être parce qu’il avait la désagréable impression que Requin aurait préféré le garder dans son estomac.

En tout cas, il nous jura devant dieu qu’une fois rentré à la maison, il se mettrait au régime.

Plus tard, après avoir ramé furieusement, après nous être perdus à deux reprises dans la jungle, puis après avoir erré une petite demi-heure dans les profondeurs de l’île aux singes, nous arrivâmes enfin au promontoire qui dominait le bateau fantôme de LeChuck. J’étais fin prêt à partir à l’attaque avec ma bière de racine à la main, mais il y avait pourtant un hic qu’Otis ne manqua pas de souligner :
– J’ai comme l’impression que notre bateau est parti sans nous.

Le navire n’était plus là ! Envolé ! Oh, misère ! Oh rage ! Oh désespoir ! Comment une telle chose pouvait-elle être possible ! Où diable étaient-ils partis ? Ils auraient pu au moins laisser une note ! Il fallait que je me défoule ! Jeter Otis à la lave ? Bonne idée. Mais j’avais une meilleure idée : désintégrer le second du navire qui était assis seul au bord de la falaise et qui marmonnait je ne sais quoi dans son coin. Je lui tapais sur l’épaule, ce qui le fit sursauter comme un ressort. Il fit jongler sa tête de sa main à son cou tellement il fut surpris. On aurait dit qu’il avait vu un fantôme.

– Horreur ! J’ai failli mourir de peur ! hurla-t-il.

Je sortis ma bière de racine et la secouai pour éviter que la pulpe reste en bas.

– Tiens, bois un coup de bière de racine, esprit satanique !

Le squelette comprit que sa mort était en danger.

– Attends ! Si c’est des fantômes que tu cherches, je peux te dire où ils sont !

Le lâche. Vendre les os de ses amis ainsi. Remarque, ça m’arrangeait assez.

– Bon, lui dis-je. Mais j’ai une envie folle de te faire disparaître…
– Mais qu’est-ce que je t’ai fait ? bredouilla-t-il.
– Rien, mais j’en ai envie. Et puis j’ai eu une rude journée.
– Je suis un fantôme sympa ! Sans rire !

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