Les mémoires d’un pirate (115)

LeChuck bondit comme un gros chat en dégainant son épée.

– Mais le vent ne peut pas causer ce grincement particulier !

Il agita sa lame dans le vide, et faillit bien me raser de près. LeChuck enragé coupa net son lit en deux puis contempla les dégâts. C’était malin, où allait-il dormir ce soir ? Quand on est mort, on n’a pas vraiment besoin de dormir, mais c’était plus fort que lui. C’était un gros fainéant, et le pire, c’est qu’il ne faisait rien pour y remédier. Et pourtant, il n’y avait aucun corse dans sa famille. Heureusement d’ailleurs : ces petits dégénérés faisaient tellement de tintouin en s’amusant à tout faire sauter qu’il se demandait comment ils pouvaient réussir à dormir avec ça. Après ces réflexions intéressantes mais hors de propos, il rangea son arme et repartit vers sa fenêtre.

– Le stress… conclut-il de nouveau.

Je m’emparai de la clé et profitant de l’un de ses éternuements assourdissants et sortis de la tanière du fauve. Je fis bien attention cette fois de ne pas claquer la porte. Pfiou ! Il était vraiment temps que je change de caleçon.

Me faufilant entre les spectres du pont, je descendis les écoutilles. Je me retrouvai dans une chambre inoccupée, excepté par un fantôme ivre qui dormait paisiblement, son pichet de grog dans les mains. Il le tenait comme s’il s’agissait du bien le plus précieux de l’univers. Je ne m’éternisai pas ici, et passai dans la pièce suivante. J’y trouvai d’étranges fantômes : des poules et des cochons. Que faisait une telle ferme, à bord d’un tel navire ? La mort ne leur avait pas non plus coupé l’appétit, aurait-on dit. Ils ressemblaient à des animaux habituels, à l’exception qu’ils étaient tout bleus et que l’on distinguait aisément leurs os phosphorescents à travers leur chair bien particulière. Ils se tournèrent vers moi et m’observèrent attentivement.

Me voyaient-ils ? Je m’approchai d’une poule, qui s’enfuit à peine je tentai de m’en emparer.

Tout comme le chien, ils me voyaient aussi clairement qu’une personne habillée sur une plage de nudistes. Ca devait leur faire étrange, ils devaient me trouver vachement plus bronzé par rapport au reste de l’équipage. Il semblait que le collier n’agisse pas sur les animaux. Il ne devait agir que sur le cerveau humain, le seul cerveau assez limité pour être manipulé. Il y avait une trappe au sol qui menait à la cave. Je trouvai rapidement la serrure que je pus ouvrir à l’aide de la clé habilement substituée. Un léger déclic retentit, me confirmant que c’était la bonne. J’ouvris la trappe et descendis un à un les échelons d’une échelle qui s’offrait à moi. Il faisait sombre ici, et sans les lumières émises par les rats fantômes, on n’y aurait vu goutte.

Berk ! Des rats ! J’avais beau me répéter que ces sales bêtes n’étaient que des gros hamsters avec une longue queue, ils me dégoûtaient toujours autant. J’en avais peur comme de la peste.

Surtout que ceux-là étaient gros comme des castors mutants très très féroces… Il y en avait partout… mais ils ne semblaient pas bouger. Soudain, je réalisai quelle était cette maudite odeur qui empestait la pièce : du grog. Frelaté en plus. Des barils s’étaient renversés et les rats en avaient profité pour s’en régaler. Ils étaient tous ivres ! J’en ramassai un, le plus petit d’ailleurs, pour m’en servir de torche. Au fond se trouvait la bassine de graisse que je cherchai. Et à côté, une caisse scintillait comme par magie. Qu’y avait-il à l’intérieur ? Mais bien sûr ! La racine !

Tout à coup, un rat monstrueux me bondit à la figure me faisant lâcher son humble camarade que j’avais en main. Il venait de derrière la caisse et semblait de très mauvais poil.

Comme je me l’imaginais, ces animaux là me voyaient aussi. Et ils avaient l’air féroce. Celui-là semblait s’être remis de sa gueule de bois et n’avait pas l’air ravi de voir un visiteur envahir les lieux. En gesticulant comme un beau diable, je parvins à m’en débarrasser. Mais l’horrible monstruosité aux poils bleus brûlés revint à la charge et se mit à me grignoter les jambes. Je ne pus m’empêcher de lâcher un cri strident avant de lui balancer un gros coup de pied. Le rat voltigea mais tel un chat, atterrit sur ses pattes. Il s’immobilisa un instant et me fixa d’un air mauvais. Je crois que je l’avais mis en pétard, là. Je reculai d’un pas discret, puis d’un autre…quand tout à coup il me fonça dessus ! Je battis précipitamment en retraite et me jetai sur l’échelle. Je montais tous les échelons sans quitter la bête des yeux. Cette chose poussait des cris aigus et faisait des bonds impressionnants pour tenter de s’agripper à moi ! Je remontai dans la pièce aux animaux en tentant d’ignorer les horribles cris stridents que le rat produisait.

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