Les mémoires d’un pirate (110)

Ce petit inattendu terminé, je continuai ma route à travers les catacombes. Mon pied glissa soudain sur une couche de granit plus fragile, la tête m’échappa des mains et roula vers la lave en fusion. Je me jetai sur elle, manquant bien d’y tomber avec elle. Je me rattrapai d’extrême justesse au rebord du chemin. Rassemblant toutes mes forces, je parvins à me hisser sur la terre plus où moins ferme. Tous ces efforts m’avaient coupé la respiration.

– De l’air ! implorais-je en vain.

La tête roula vers moi.

– Un peu de bouche à bouche ? me proposa-t-elle.

En plus elle parlait…

– Je ne t’ai rien demandé ! lui criais-je.
– J’ai mon diplôme de secourisme, si c’est ça qui t’inquiète.
– La ferme !

La tête roula sur le côté et me tourna le… comment dire… l’arrière du crâne.

– Dis tout de suite que j’ai mauvaise haleine… baragouina-t-elle.

Attendant devant la tête sacrée de singe, mes amis commençaient malgré eux à se faire du mouron.

– Ca fait longtemps qu’il est parti, non ? fit Carla allongée par terre.

Otis fit quelques pas en regardant le ciel, la mine songeuse et l’air contrarié.

– Qu’est-ce que tu fais ? lui demanda Meethook.
– Je consulte l’heure, grâce au soleil, afin de répondre à Carla.
– Pas la peine ! fit Meethook. J’ai ma montre : il est parti il y a une demi-heure seulement.

Otis se mit la main sur le front et sautilla sur lui-même énervé.

– Tais-toi ! Tais-toi ! Tu viens de casser mon effet dramatique imbécile !
– Oh. Pardon.
– Ce n’est rien, répondit Otis en essuyant une goutte de sueur sur son front. Si on jouait plutôt à cache-cache en l’attendant ?

Quelque chose me gênait ici. Et je ne parlais ni de la chaleur, ni de la décoration, ni du manque d’air, auxquels j’avais fini par m’habituer. Mais j’avais la désagréable impression de tourner stupidement en rond. N’étais-je pas déjà passé par-là ? J’en avais fortement
l’impression. Cette soit disant tête de navigateur me prenait-elle pour un imbécile ?

J’espérais qu’elle ne s’était pas vexée pour tout à l’heure. Ce devait être une simple impression. Tout se ressemblait tant ici. Et pourtant en arrivant à un cul-de-sac, je me mis à avoir des doutes plus approfondis sur ces soit disant dons.

– Tête à claques ! lui criais-je. Tu t’es trompé ! Je dois rebrousser chemin, maintenant !

Je me retournai en me retenant de lancer cette maudite tête contre un mur. Nom d’un ouistiti agonissant ! Où diable était passé le chemin ? Voilà que je me retrouvais sur une minuscule plate-forme, à quelques mètres au-dessus de la lave ! Avais-je rêvé où la plateforme commençait à baisser vers le niveau de la lave ? Non, j’avais rêvé. En fait c’est le niveau de la lave qui montait… Pas vraiment plus rassurant. Maman !

– « Trois petites épreuves ! Trois petites épreuves ! » criais-je à tue-tête.
– Ferme les yeux, me dit la tête.
– Quoi ?
– Fais ce que je te dis : Ferme tes yeux.
– Et récite l’ave Maria, c’est ça ?

Je fis ce qu’il me dit. Je n’avais plus rien à perdre de toutes manières. Mais la chaleur se faisait toujours plus intense, mon corps ne tarderait pas à finir carbonisé. Le bruit du courant de lave se rapprochait, je sentais ma chair brûler, tous mes poils se calcinaient et ça commençait sérieusement à sentir le poulet grillé, un peu comme celui que préparait ma tante Edna, le poulet en plus.

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