Les mémoires d’un pirate (106)

Oui, bon, passons… Ce détail n’intéressait personne. Par contre, il était intéressant de noter que la seule manière de me débarrasser de ses maudits fantômes était d’utiliser une potion dont le principal ingrédient était tombé dans leurs mains osseuses. Il fallait que j’aille la chercher ! Mon équipage de fortune serait ravi de ce plan, comme d’habitude…

– LeChuck se trouve bien dans la tête du singe, n’est-ce pas ? demandais-je aux deux cannibales.
– Oh non… s’écria Otis qui comprenait ce que j’avais en tête.
– Oui. Il se trouve dans les profondeurs de l’île, au coeur d’un immense système de catacombes. Un endroit d’enfer, où les âmes tourmentées sont prisonnières du roc à tout jamais, où le sang dégouline et où l’air est imbibé d’une odeur rance et diabolique !

Je reconnaissais bien les goûts de décoration de LeChuck.

– On dit que c’est le seul endroit qui mène de la terre à l’enfer, ajouta Requin.
– Les touristes faisaient la queue pendant des heures pour visiter l’endroit, continua Monstre Rouge. C’était le bon temps…

Ils poussèrent un soupir et passèrent leurs langues sur les fausses lèvres de leur  masque.

– Que s’est-il passé ? Le département sanitaire l’a fermé ? demandais-je.
– Non. On n’avait plus la clé. C’était ce vieux croûton d’ermite sans pantalon qui nous l’avait volée. Toutes les personnes qui ont un problème avec leur pantalon sont des voleurs on dirait…

Je me retournai vers mon postérieur. Mon caleçon narguait toujours autant ceux qui se trouvaient dans mon dos…

– Mais non ! Mon pantalon n’est pas assez abîmé pour que je sois un voleur !

Mais qu’est-ce que je racontais moi ?

– Bon, si je comprends bien, la tête de singe mène aux bas-fonds ? dis-je pour changer de sujet.
– T’as tout compris mon gars, me répondit Requin. Mais ne crois pas que ce soit si facile que ça de t’y retrouver une fois à l’intérieur…
– Nous prenons le risque ! lançais-je hardiment.

Une quinte de toux se fit entendre dans mon dos. Je repris :
– Je disais donc : JE prends le risque.

Il est toujours agréable de se sentir soutenu par ses amis. Surtout quand on a besoin d’eux.

– Tu te perdras sans… commença Requin.

Mais il fut interrompu par son chef qui le gronda :
– Silence ! Ne lepar pas de la tetê de teurgavina !
– Vous parlez en verlan maintenant ? leur dis-je. D’où vous sortez ? Du Bronx ?
– Je vois que nous avons confondu avec notre dialecte indigène, fit Monstre Rouge embêté.
– C’est quoi cette tête de navigateur dont vous parliez ? demandais-je.

Les deux cannibales se regardèrent un peu embarrassés, puis me dirent :
– Oh, après tout, on peut bien te dire à quoi elle sert. C’est un outil de navigation. Une tête attachée à un cou de navigateur.

Otis et le reste de l’équipage, sauf Goodnight qui dormait toujours dans la chambre d’amis, se dressèrent comme des piquets.

– Une tête humaine ? hasarda Meethook.
– Oui, répondit Monstre Rouge. On l’a miraculeusement gardée en vie pour pouvoir profiter de son excellent sens de l’orientation. Il est impossible de voyager à travers les catacombes sans son aide.
– Mais c’est la seule qu’on ait, continua Requin, et on ne veut pas risquer de la perdre en t’aidant.

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