Les mémoires d’un pirate (093)

Nous repartîmes en direction de la jungle. Du vert, du vert et toujours du vert. Je commençais à en avoir la nausée. Si des petits bonhommes verts avaient débarqué du ciel, cela ne m’aurait pas étonné plus que ça. Je n’en étais pas si loin que ça. Un grand gaillard tout maigre et tout noir surgit d’un arbre et se jeta sur moi. Il me plaqua au sol avant de sortir une fourchette et un couteau. Un cannibale ! Raffiné peut-être, mais en aucun cas végétarien ! Il portait un drôle de masque qui recouvrait entièrement son visage. Un masque terrifiant de grand requin blanc. Dans le genre végétarien, on trouvait mieux comme animal.

– Halasoop ! s’écria-t-il.
– Je ne comprends pas le cannibale, lui dis-je. Do you speak English?

Carla abattit la crosse de son sabre sur la caboche de notre charmant nouvel ami. Le pauvre gus tomba dans les pommes, heureusement qu’il était théoriquement végétarien.

– Il voulait consommer sur place, dit Otis.
– Il est bête, ça coûte plus cher qu’à emporter, dit Goodnight.

En effet ça lui avait coûté un repas. Car je n’avais pas l’intention de traîner dans ses pattes. Il me remercierait plus tard : la bouffe une fois refroidie n’a plus la même saveur.

La présence de cet indigène nous l’annonçait clairement. On approchait du village des cannibales. Ce que ne manqua pas de souligner Meethook :
– On ferait mieux de changer de direction ! On se dirige droit dans la gueule du… euh loup.
– T’as raison, dit Otis. Tirons-nous vite fait d’ici.
– Non ! criais-je.
– Non ? fit Goodnight.

Ils se retournèrent tous vers moi intrigués. Que voulait encore ce casse-bananes de capitaine ?

– Souvenez-vous du message mes amis ! Les cannibales possèdent une clé pour ouvrir la tête du singe !

Goodnight s’envoya sa main sur la figure. Les autres furent pris de spasmes divers.

– Non non non non ! fit Otis en agitant les mains.
– Si je comprends bien, tu veux qu’on aille chez des cannibales pour leur voler la clé, puis qu’on affronte des spectres pour leur voler leur navire… résuma Carla.
– … sans oublier au passage de libérer le gouverneur de l’île de Mêlée, ajoutais-je. Oui c’est ça.
– Je vous l’avais dit qu’il fallait le jeter aux requins ! s’écria Otis.
– Hé ! nous interpella Meethook.

Nous nous retournâmes tous vers lui. Il nous indiqua un point de son crochet. Là où aurait dû reposer le cannibale à masque de requin. Mais il n’y était plus. Il avait pris la poudre d’escampette, ce qui ne présageait rien de bon.

– Faites ce que vous voulez, moi je ne traîne pas dans le coin ! dit Otis.

Nous repartîmes dans la direction où nous nous dirigions auparavant. Mon équipage savait que même si mon plan semblait fou, c’était le seul qui pouvait nous permettre de partir de cet endroit plus ou moins vivants. Après dix minutes de marche assez accélérée, nous arrivâmes aux portes d’un petit village. Le village des cannibales… Tout le monde avait la chair de poule, mais on devait trouver la clé du singe. Nous contournâmes la palissade abritant le village pour parvenir à une grande entrée. C’est étrange. Le village semblait totalement désert.

– C’est une feinte ! me chuchota à l’oreille Otis.

Mais ça n’en avait pas l’air. Nous pénétrâmes dans le village discrètement sans encombre. Personne pour nous accueillir ou pour nous dire « bonjour » ni même « à table ! ». Les cases de bois, paille et bambous, semblaient toutes désespérément vides, mais qui s’en plaindrait ?

Laisser un commentaire