Les mémoires d’un pirate (089)

– Ca c’est pas mal ! fit-il. Je m’absente tout juste cinq minutes et on trouve le moyen de renverser de la poudre à canon sur mon plancher ! Bien entendu, vous n’y êtes pour rien.

Ca doit être par hasard que je vous trouve ici en train de fouiner partout alors que quelqu’un vient de souiller mon beau plancher tout propre !

C’est vrai qu’il était propre son plancher. Mais on n’avait pas fait exprès. Otis semblait tout gêné et il lui mentit en baissant les yeux :
– Je viens de voir un singe déguerpir…
– Ne dit pas de bêtise ! cria le vieillard furieux. Tout le monde sait bien qu’il n’y a plus aucun singe sur l’île aux singes ! Enfin si… Il reste la grosse tête en pierre à l’Est de l’île.

Herman Toothrot ! Je me disais que j’avais déjà entendu cette voix ! Pauvre fou naufragé depuis vingt ans. Il n’avait plus toute sa tête apparemment. A condition qu’il ait jamais été plus malin que ça.

– Peux-tu nous conduire à la tête de singe ?

Mais il était déjà parti. Disparu comme par enchantement. Comment avait-il pu faire ça ? Il n’avait pas de pantalon, juste un caleçon à fleurs, et ses bottes étaient si grandes qu’elles lui montaient jusqu’aux genoux. Et pourtant il avait filé plus vite qu’une souris. Curieux personnage en tout cas.

Goodnight remplit une petite bourse en cuir de la poudre à canon qui traînait par-terre. Il la commenta ainsi :
– Elle est bien noire et explosive. Comme je l’aime !

Quant à moi je m’emparai du boulet. Je le fis glisser dans le Black Hole. Ca pouvait toujours servir au cas où il me faudrait rétamer la sale face de l’un de ses maudits spectres.

Mes compagnons semblèrent étonnés de me voir marcher sans aucune difficulté supplémentaire, avec un tel objet en poche.

Nous continuâmes notre route en suivant le lit d’une rivière asséchée. Nous arrivâmes jusqu’à une mare vide. Un homme ou plutôt ce qu’il en restait était pendu au-dessus de nous.

– C’est un de mes vieux amis, fit Herman Toothrot derrière nous. J’ai voyagé jusqu’ici avec lui.
– Vous ne savez pas qu’il ne faut jamais surprendre les gens par derrière ou quoi ! l’engueula Otis.

Carla coupa la corde du pendu en grimpant sur les hautes et robustes épaules de Goodnight. Le cadavre séché s’écroula par terre comme un vieux sac de pommes de terre. A peine toucha-t-il le sol qu’il explosa en poussière. Ca devait faire un moment qu’il était monté sur ses grands chevaux, j’ai l’impression. Ce pauvre bougre ne pouvait être que le premier capitaine du Singe des Mers. Ce n’était pas plus mal. Ca m’évitait de lui expliquer ce que nous avions fait de son malheureux navire.

– Il a perdu du poids, dit Hermann en le regardant surpris. Je ne l’ai jamais vu aussi en forme.
– Moi je ne trouve pas qu’il ait l’air en bonne santé, répondit Meethook. Que lui est-il arrivé ?
– Un accident fâcheux. Il essayait d’installer une balançoire.

Et moi qui pensais qu’il s’était pendu…

– Tu ressembles à un clochard ! déclara Goodnight à Herman Toothrot.

Et nous nous miment à rigoler en choeur. Sauf le vieil Herman.

– Tu as du culot de me parler comme ça ! bougonna-t-il irrité.

Il se tourna de côté et ajouta :
– Il exagère ! Moi un clochard ? Pfff !

On aurait dit qu’il parlait à quelqu’un. Mais à qui ?

– Tu parles à qui là ? demandais-je en croisant les doigts pour que ce ne soit ni les cannibales, ni les spectres de LeChuck.
– Aux gens qui nous regardent évidemment.
– Qui nous regarde ?

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