Les mémoires d’un pirate (077)

Je ne pouvais y croire. Pas étonnant que ce pauvre Meethook ait décidé de s’isoler dans son humble demeure. Avec tous les spécimens qu’on trouvait dans les environs, il n’était pas à la fête. Mais à moi il ne faisait pas peur, au contraire, j’adorais tous les animaux ! Et pour impressionner Meethook, j’achevai l’épreuve de manière assez tape-à-l’oeil, certes, mais qui le mettrait immédiatement à ma botte. Je ne me contentai pas de toucher le « monstre » à plume, je lui arrachai une plume avec les dents, avant de lui mettre une baffe et de lui faire une grimace absolument ignoble. Vraiment, quel bel animal ! Le perroquet poussa des hurlements avant de se venger et de me picorer le front de son bec. Meethook poussa un levier qui referma lourdement toutes les portes blindées. Il était tout en sueur et me regardait avec autant de respect que de crainte.

– Je n’en crois pas mon oeil ! bredouilla-t-il. Tu es doté d’un courage incommensurable !

Tu as fait face à la bête qui m’effraie depuis des années ! Tu as eu le courage de faire ce que je n’ai jamais pu faire ! Je me sens si lâche tout d’un coup.

Abattu, l’homme s’effondra à mes pieds en larmes. Il n’en versait pas énormément puisqu’il n’avait qu’un oeil mais tout de même.

– Je ne suis pas digne de ton équipage ! déclara-t-il penaud en gesticulant tellement qu’il faillit se crever l’autre oeil. Je suis à peine bon à éponger le pont.

Trop c’est trop ! Le moussaillon devait se reprendre.

– Allons, Meethook, arrête ! Tu es un beau mec costaud avec un tatouage qui parle : tu peux éponger mes ponts quand tu veux !
– Tu es sincère ?
– Bien sûr !
– Je peux faire partie de ton équipage ?
– Fais tes valises et rejoins-moi aux docks.
– Oh merci, merci !

Il baisa mes chaussures en me plantant ses crochets dans les jambes. Aïe !

– Je ne te laisserai pas tomber, et une fois en mer, je pourrai te montrer les tours que je peux faire avec mon tatouage.
– C’est bien. On se revoit sur les docks alors… et arrête d’embrasser mes pieds !

J’eus toutes les peines du monde à déscotcher sa langue de mes pompes. On aurait dit un petit chien ravi de retrouver son maître (43). Ou bien comme un maître d’école ravi de revoir un de ses élèves qui a fait l’école buissonnière depuis un moment. Sauf que, dieu soit loué, avec le maître d’école on ne lèche pas, on se prend des colles. Enfin, ça dépend de l’élève me direz-vous.

Le vent soufflait fort dans les cheveux de Stan qui avait préféré ôter son sombrero, plutôt que de s’obstiner à le garder pour le pourchasser toutes les cinq secondes. Il attendait patiemment sur les docks en tapotant d’un rythme effréné son pied droit. Il sifflotait à tue-tête « il était un petit navireuuh » en ajoutant hilare « qui n’avait ja-ja-jamais navigué, mais alors là, pas un br-br-brin ! Ohé Ohé !». Il se tourna vers le prestigieux Singe des Mers qu’il était parvenu on ne sait comment à faire venir jusqu’ici. A cette distance, il semblait presque beau.

Il semblait aussi presque flotter. Ce devait être à cause de l’obscurité, bien que les milliers d’étoiles aidaient considérablement la lune à éclairer la nuit. Zut, il commençait à pleuvoir.

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(43). Content ? Oui, mais pas parce qu’il aime son maître. Pas non plus parce qu’il lui est devenu fidèle. Et encore moins parce qu’il a besoin de quelqu’un pour le faire obéir. Il est content parce que quelqu’un va lui donner à bouffer. Sale bête va.

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