Les mémoires d’un pirate (075)

Trois membres et un bateau. C’était plus qu’il n’en fallait pour affronter une horde sanguinaire de spectres délavés. Mais comment ne pas amener avec moi celui qui m’avait parlé de faire un voyage ensemble en premier ? Arnold Meethook, le pirate ermite de l’île de Mêlée ne pouvait manquer à l’appel. Enfin si, il le pouvait, mais ce serait embêtant. Il avait promis de me montrer ses sacrés tours rigolos avec son tatouage de singe sur la poitrine. Qui aimerait manquer pareil spectacle ?

Je frappai à sa porte. Le grand gaillard vint m’ouvrir et ne sembla pas particulièrement content de me revoir. Ses deux crochets affûtés étaient posés sur ses hanches et son seul oeil me regardait sombrement et de travers.

– Je t’ai déjà dit que je n’avais pas le temps de te montrer ce que je peux faire avec mon tatouage ! me lança-t-il.
– Le gouverneur a été kidnappé ! rétorquais-je alors avec panache et originalité bien que ça n’ait rien à voir avec son sujet.

Tu parles d’un scoop ! Et pourtant son unique oeil écarquillé à l’apogée montrait bien qu’il ignorait cet abominable délit.

– C’est absurde ! Ses chiens la défendent nuit et jour, 24 heures sur 24.

Inutile de lui révéler que je les avais mis moi-même hors de combat. Par contre, il me sembla que la note laissée par LeChuck serait largement suffisante pour lui exposer la situation. Il s’en empara en m’y faisant un énorme trou et la lut à haute-voix. Une fois fini, il baissa la tête et les épaules, encore plus abattu qu’à l’accoutumée.

– C’est terrible ! hurla-t-il à bout portant dans mon oreille droite. Qu’allons-nous faire ? Voyons s’il en avait dans le ventre…
– On sombre dans le désespoir et on abandonne ? lui proposais-je.
– Ouais. C’est une bonne idée, répondit-il avant de se ressaisir et d’ajouter : Attends ! Je sais ! On peut engager un équipage, acheter un navire et aller la délivrer !
– Quelle bonne idée !

Les grands esprits se rencontrent ! Pour ceux qui ont toujours un peu de mal à suivre un récit si intellectuel, je veux parler de l’esprit de Meethook et du mien. Qu’on a eu la même idée. Pigé ?

Mais alors qu’il semblait requinqué par sa proposition, il sembla de nouveau tout découragé.

– Si seulement on avait un capitaine… ajouta-t-il.
– Ben et moi ? fis-je d’un ton montrant l’évidence même.
– TOI ?

Il éclata de rire. J’allais finir par me vexer. Si j’avais encore eu ma mère, je serais allé le lui dire pour qu’elle aille lui mettre une claque. Seulement, ce n’était pas le cas. Devais-je m’écraser ? Peut-être, car je le voulais dans mon équipage, et je ne pensais pas qu’une taloche aurait aidé à le convaincre. Bon, d’accord, la vérité : il était plus grand et plus costaud que moi. Il me faisait peur. En plus il était tout chauve !

– Tu es sérieux ? demanda Meethook en fixant mon regard de pierre. Dans ce cas, prouve-moi que tu es un homme.

Je m’apprêtais à baisser mon pantalon quand il me fit signe de le suivre. Il m’amena devant une énorme porte blindée, fermée par de multiples cadenas, une alarme et un code de sécurité à dix chiffres. Diantre ! Cette antre mesurait au moins quatre mètres de diamètre. Que pouvait-il donc renfermer ? J’étais fou de le découvrir…

– Je veux te montrer quelque chose, reprit-il. Quelque chose de si terrifiant que je reste éveillé la nuit en y pensant.

Mazette ! J’en étais sûr ! Il voulait me montrer une photo de toute sa famille chauve !

J’avais raison depuis le début ! Quoi d’autre pouvait justifier une telle sécurité ?

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