Les mémoires d’un pirate (064)

C’est avec une grande joie qu’Otis apprit la disparition du shérif Shinetop de l’île de Mêlée. N’étant plus sous sa tutelle, il était en théorie, libre comme tous ses petits camarades pirates. Mais c’est avec un peu moins de joie qu’il sut que le shérif LeChuck/Shinetop avait probablement embarqué les clés de la prison avec lui. Il sembla aussi plutôt enragé en apprenant le kidnapping du gouverneur, ce qui me fit bien plaisir. Pas l’enlèvement, mais qu’il soit énervé de l’enlèvement. Vous comprenez ? Je sais que c’est un texte difficile, mais accrochez-vous. Ca en vaut la peine. Par contre je fus moins content de l’entendre me demander si elle avait laissé le palais ouvert. Il me promis aussi de venir avec moi la libérer, à condition bien sûr que je le fasse sortir d’ici. On n’a rien sans rien.

– Je serais éternellement reconnaissant à mon libérateur ! Et puis un joli voyage, ça me changera des cent pas que je fais en permanence dans cette maudite cage à poule.

Après de telles promesses, je sortis la choppe de grog que je dissimulais dans mon dos. Il était temps, le verre n’étant déjà plus qu’un tas d’étain fondu.

– Super ! déclara Otis en voyant ce que je lui montrais. Justement j’ai vraiment soif !
– Ecarte-toi ! criais-je en déversant le peu de liquide qu’il restait sur la serrure de sa cellule.

En quelques secondes, le grog fit le travail que je lui demandais, et fit céder cette ridicule petite serrure. Otis n’en revenait pas de stupéfaction. Qui a dit que la boisson était nocive ?

La porte de la cellule s’ouvrit toute seule comme par enchantement. Elle laissa échapper un grincement de supplice, le grog n’ayant toujours pas fini son travail de rongement. Sans se faire prier, le prisonnier se jeta hors de sa cellule. Il tomba à genoux et porta les mains à son coeur. Enfin c’était probablement son intention et c’était ce qu’il aurait fait s’il avait su que le coeur était situé à gauche et non à droite. C’est l’intention qui compte, de toutes façons. Il huma l’air de liberté, le même que dans sa cellule pourrait-on croire, mais pas à ses narines. Il était libre ! Libre comme cet air ! Libre !

Il me regarda tout ému et me remercia de l’avoir enfin libéré. En précisant toutefois que de toutes manières, il était innocent. Il me tapa amicalement sur l’épaule et me déclara :
– Merci beaucoup.

C’était simple et direct.

– C’est moi qui te remercie, lui dis-je alors. Personne ne veut venir avec moi dans ce périlleux voyage, tu sais ?

Les traits joyeux sur le visage d’Otis, disparurent subitement. Il adopta une moue interrogative.

– Quel voyage ? demanda-t-il faussement.
– Comment ça quel voyage ? Tu es gonflé, toi ! On doit sauver Elaine des griffes de l’ignoble LeChuck !
– Ah. Ce voyage là… Regarde derrière toi ! Un singe à trois têtes !

Pas possible ! Il existait donc réellement ? Moi qui avais toujours pensé que c’était juste une feinte pour tromper les nigauds. Ce genre d’animal me rapporterait une fortune, une fois empaillé. Mais je ne vis aucun singe à trois têtes. Ni deux ni même une. Il n’y avait qu’un mur de brique orangé. Cet idiot d’Otis avait dû halluciner. C’est ce que je voulus lui dire mais quand je me retournai vers lui il avait, devinez un peu, disparu ! Le bougre avait dû partir à la recherche de ce singe. Si j’avais vu à quoi il ressemblait j’aurais aussi pu faire de même mais là, il n’y avait pas moyen. Mais ce n’était pas grave, l’important était de savoir que j’avais enfin trouvé quelqu’un pour m’accompagner sur l’île aux singes. Il est si bon de savoir exister des gens comme Otis sur terre !

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