Les mémoires d’un pirate (055)

J’enjambai le trou béant du salon. Je heurtai malencontreusement au passage un bouquin, « Le Père Vairs » si je ne m’abuse, qui tomba droit dans un broyeur. La pièce fut envahie de confettis, ce qui ravis un type habillé en clown, armé jusqu’aux dents.

– Youpi ! cria-t-il en jouant avec les confettis.

Allez savoir qui était ce gars là. Mais il semblait s’amuser follement à broyer tout le reste
des bouquins.

Je glissai sur la guimauve du Yak, me retrouvant les quatre fers en l’air. Excédé, je la balançai dans le feu incandescent de la cheminée. Le Yak, pour exprimer son désaccord sur mon geste me fit rejoindre l’étage supérieur d’un magistral coup de tête. Si ce n’était que le palais ressemblait toujours plus à un gruyère, il fallait dire que mon opération commando procédait à merveille. L’idole aux mains pas si nombreuses que ça se tenait devant moi et son ridicule petit cadenas ne ferait jamais le poids face à la puissance de mon énorme lime !

Au premier frottement, elle se brisa. Oui, pas « il » mais « elle ». Je parle bien entendu de cette maudite lime et non du cadenas ! Par la barbe de ma tante Edna ! Pourquoi rien ne se décidait à tourner rond aujourd’hui… Ovnisais-je ? Le cadenas était… ouvert ? Mais oui ! Quelqu’un l’avait mal refermé ! J’avais presque honte d’avoir obtenu l’idole de cette manière, sans honneur et sans risque. Mais bon, il faudrait faire avec. Je me frottai le menton puis, avec des yeux grands ouverts, m’emparai prudemment de l’idole. Ben non. Même pas de piège mortel pour réparer mon affront. Décidément, c’était trop facile. Pas de quoi écrire des mémoires.

Les deux portes battantes menant au salon s’ouvrirent. Ben non, elles n’étaient pas fermées non plus finalement. J’avais fait un petit détour pour rien. Mais qu’importe : Shinetop venait d’entrer, plus rouge qu’une tomate. M’attrapant par un bras, il me fit voltiger à travers une baie vitrée. Au moins, les murs avaient été épargnés. Il me souleva du sol et me jeta dans les escaliers du salon, que je dévalais à toute vitesse, mais certes non sans grâce.

– Je n’en ai pas fini avec toi ! grogna Shinetop.

A ce moment-là un courant d’air rabattit les deux portes de plein fouet sur le malheureux shérif. Ca devait faire mal.

Faisant mine de rien, il descendit lentement les marches de l’escalier, une par une. Son nez était tout gros et tout rouge. C’était plutôt rigolo !

– Tu croyais pouvoir t’échapper avec l’idole aux mains nombreuses, n’est-ce pas ? dit-il d’une voix nasillarde mais toujours cruellement intimidante.
– Mais elle n’a même pas de mains ! me défendis-je.

Il me remit sur pieds puis m’épousseta gentiment.

– Tu as empoissonné les caniches du gouverneur…

Il me poussa d’un geste sec, me faisant reculer de quelques pas.

– Ils sont juste endormis ! objectais-je.

Il avança vers moi :
– Tu t’es introduit dans son palais…

Je reculai de deux pas :
– La porte était ouverte !

Il avança de ces deux mêmes pas :
– Et tu as volé l’un de ses plus précieux objet d’art !
– Non, non ! Tu te trompes ! dis-je en planquant discrètement l’idole un peu fissurée dans mon dos.
– Ah non ? Alors j’écoute tes explications.
– Sa place est dans un musée !

Soudain, le gouverneur fit son apparition et descendit les escaliers ! Une apparition divine ! Et elle était encore plus merveilleuse que ce que laissait présager l’affiche électorale. Cette chevelure, ces yeux perçant et cette bouche… oh oui, cette bouche, tellement sensuelle !

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