Les mémoires d’un pirate (052)

J’ouvris une porte : un placard. J’ouvris une seconde porte: des toilettes. Une autre: encore des toilettes, réservés aux caniches-piranhas venimeux du gouverneur. J’ouvris la dernière porte… par tous les sacro-saints de la trinité des Tobago ! Voilà que je me retrouvais dans une jungle ! Des animaux en tout genre et pas des moins sauvages se baladaient librement dans le palais !

Dans mon égarement passager bien compréhensible, je faillis bien renverser un vase Ming d’une valeur inestimable et surtout bien mal placé au milieu d’une telle ménagerie. Un
miracle qu’il soit encore entier.

Derrière moi, la porte claqua. Je fis un volte face soudain pour me retrouver devant:
– …L’immonde Fester Shinetop !

Ses yeux exorbités me foudroyaient sur place, et sa main posée sur son arme ne présageait rien de bon et sûrement pas un arrangement à l’amiable au coin du feu.

– Ouais c’est moi. Et je suis le shérif ici. Je vais m’occuper de toi.

Il s’approcha d’un pas lent vers moi, comme pour prolonger au maximum son plaisir. Il me sourit, je lui répondis par une grimace. Ce n’était pas possible ! Je ne pouvais mourir puisque c’était moi le héros de l’histoire ! Rassuré par une pareille pensée, je lui balançai ma meilleure feinte :
– Regarde derrière toi ! Un singe à trois têtes !
– Je le croyais dans sa cage…

Il se retourna (quand je disais que ça marchait à tous les coups) me laissant juste le temps de m’emparer du vase Ming et de le lui fracasser sur son crâne tout lisse. Il ne broncha même pas ! Au lieu de ça, il ramassa les morceaux de vase en pleurnichant.

– Un Ming d’une valeur inestimable du XIVeme siècle… Ca me fend le coeur.
– Mais pas la tête, bon sang de bois !

Il contemplait les restes d’un air vraiment abattu.

– Je ne te le pardonnerai jamais ! hurla-t-il en me chopant au collet furieux.

Puis ces traits prirent un air plus joyeux. Il me sourit.

– Dieu soit loué ! C’est une copie !

Il me relâcha pour mieux me le montrer :
– Tiens, regarde : ça se voit aux grains de la brisure là !

Je lui souris à mon tour. A la fois soulagé d’être toujours en vie et de ne pas avoir cassé un bien trop précieux appartenant au gouverneur. Quand tout à coup je dis :
– Regarde derrière toi ! Un singe à trois têtes !

Pendant qu’il se retournait (génial cette feinte quand j’y pense) je pris la poudre d’escampette à travers les buissons. Je fus sèchement stoppé par un gros rhinocéros querelleur. Il bloquait le chemin et il n’y avait aucun moyen de le faire bouger, même pas l’hypnose ou les coups de pied dans le derrière… quoique… il… il chargeait ! Ahhhhhh !

Je repartis en sens inverse, croisant Shinetop qui tenta de me couper la tête, les bras, les jambes ou n’importe quoi qui dépasse du corps de l’homme en fait. Mais il abattit par mégarde son sabre sur la corne du rhinocéros qui ne fut pas vraiment ravi et le lui fit comprendre en le propulsant sur un cocotier. Par chance Shinetop n’y resta pas accroché bien longtemps, la branche cédant rapidement sous son poids. Par moins de chance, deux noix de coco lui tombèrent en plein sur le crâne.

Profitant que la sale bête ait dégagé le passage, je continuai héroïquement mon safari dingo. Une porte. Sans poignée… Juste un grand bouton rouge. Ne trouvant rien d’autre à faire…

– Non ! hurla Shinetop qui courait toujours poursuivi par le rhinocéros querelleur. Pas le
bouton rouge !
… que d’appuyer sur le bouton rouge.
– Noooooon !

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