Les mémoires d’un pirate (032)

Smirk retira la bâche et poussa vers moi son hallucinante invention.

– Kna snoyark !!! raillais-je (23).

La machine était imposante. Au moins le double de Smirk, c’est à dire quatre fois moi !

En fait, ce truc n’était pas si terrible : juste des morceaux de n’importe quoi soudés entre eux.

On sentait tout de même que l’inventeur de cette diablerie avait tenté de lui donner plus ou moins un aspect humain. Plutôt raté fallait-il avouer. Un seau représentait la tête, et un petit singe mécanique tenant deux cymbales dans les mains (afin de tester votre concentration au combat) était assis dessus. Quant au corps, c’était du bois pourri couvert de moules, le tout monté sur quatre roues. J’allais oublier le plus important : la machine possédait un bras armé d’une longue et fine épée, et l’autre bras extensible orné d’un gant de boxe gigantesque. En réalité, plus qu’une machine, c’était un accessoire puisque c’était en fait Smirk qui contrôlait tout par derrière à l’aide d’un pupitre de  commandes, avec des poignées, ficelles et cloches à tirer.

– Allez attaque-moi, fit Smirk. N’aie pas peur, tu ne peux pas me faire de mal.

Je contournais la machine pour flanquer un grand coup d’épée à Smirk qui à cause de son armure ne put l’éviter. C’était plus facile que je ne l’imaginais.

– Mais qu’est-ce que tu fais, bon sang ! s’écria-t-il en regardant le point où je l’avais
atteint. C’est avec la machine que tu dois te battre ! Pas avec moi !
– Mais vous m’avez dit…
– Heureusement que j’avais cette fichue armure sur moi ! soupira Sylvester Smirk.

Après ce pénible accident, l’entraînement pu enfin commencer. Il m’attaqua par un coup frontal, je parai mais la machine m’envoya un grand coup de poing avec l’autre bras.

– Distance, distance ! Fais attention à ton jeu de jambes. Non ! Pare d’abord et puis riposte… Abuse de ta force contre les faibles… Je t’ai dit de parer d’abord puis de riposter !

Et Smirk d’un coup d’une violence inouïe fit valdinguer mon épée, avant de m’achever d’un coup de grâce, et j’allai m’écrouler un mètre plus loin. Smirk souleva sa visière et me regarda comme un chien battu. Il retira son casque, se gratta la tête, sortit un peigne de sa cotte de maille, puis recoiffa sa brosse pourtant impeccable. Enfin, il déclara :
– Bon, ben, on n’est pas encore couché semble-t-il.

Quelques heures plus tard…

– Tu commences à prendre le coup ! déclara l’entraîneur éberlué.

Beaucoup plus tard…

– Pas mal ! fit Smirk de plus en plus impressionné. Ta technique est bonne !

Soudain la machine éclata en mille morceaux. C’était la fin pour elle. Je ne l’oublierai jamais.

Smirk retira son casque, se gratta la tête, sortit un peigne et passa un coup sur sa brosse. Le peigne avait ses dents toutes usées. Alors après un gros soupir, il le jeta, en sortit un autre de la commode et se recoiffa enfin.

– Tu as vaincu la machine, me dit-il incrédule. Mais saches que tu n’as accompli qu’une seule partie de ton apprentissage. Je le regardai exténué et tout en sueur. Et moi qui pensais en avoir terminé avec les cours. Surtout depuis que j’avais quitté l’école.

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23. J’aurais très bien pu m’écrier « Bougre de vermisseau ! », « Nom d’une pipe en bois ! » ou « Par mon duvet de barbe ! » mais lorsque l’émotion se mélange à la surprise, on oublie rapidement les règles de grammaire et d’orthographe. C’est ce que je me tuais à dire à ma prof de français pendant les dictées. Mais je ne sais pourquoi, ça ne prenait pas.

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