Les mémoires d’un pirate (027)

Cette voix aurait très bien pu sortir de ma conscience mais ce n’était pas le cas. L’homme qui venait de me surprendre dans le dos était un autre géant de deux mètres, aussi chauve et trapu que ma tante Edna, mais armé en plus d’un énorme pistolet. La lune se reflétait sur son crâne poli, éclairant du coup la ruelle. Sa moustache, formée de deux petits rectangles lui donnait un air aussi cruel et dictatorial que ridicule. L’homme avait une étoile dorée sur sa poitrine.

– A cette heure-ci, il n’y a pas de témoins… continua-t-il.
– Vous aussi vous avez entendu quelque chose ? lui demandais-je rassuré de ne plus être seul dans un pareil endroit.

Il me fit un grand sourire. Comme si ma réponse le rassurait à mon sujet.

– Non, dit-il. Mais j’aimerais bien savoir ton nom.

J’aurais très bien pu lui mentir, car comme le disait maman, il ne faut jamais parler aux inconnus, surtout aux chauves. Mais si cet homme était bien la personne que je pensais,  je n’avais rien à craindre de lui.

– Guybrush Threepwood. Pirate redoutable et… tueur de shérif à mi-temps.

Le type ne souriait plus du tout. J’avais touché juste, semblait-il. Il me dit alors :
– Ecoute-moi bien Fripouille…
– Threepwood ! le corrigeais-je. Guybrush Threepwood !
– Qu’importe ton nom, écoute-moi : sur cette île, c’est moi la loi. Je suis le shérif Fester Shinetop. Je vais te donner un bon conseil : dégage de mon île. Ce n’est pas le moment de la visiter. Pas le moment du tout. A mon avis, tu devrais trouver un autre endroit où passer tes vacances, me conseilla le shérif en s’éloignant de la ruelle. Un endroit plus sûr, plus tranquille.

Ce furent les dernières paroles que nous échangeâmes dans la ruelle. Ah ! Je me sentais beaucoup mieux maintenant que je savais un gardien de la paix dans les parages !

Le conseil avait-il dit la seconde porte à gauche, ou la seconde à droite ? Je ne voyais sur aucune porte l’inscription « Smir » qui m’aurait aidé à trouver sans difficulté la maison de mon futur entraîneur. Juste un « Smi » sur l’une des portes. Donc, ce n’était pas celle-là que je cherchais…

Bon, essayons la deuxième porte à gauche. Sans oublier les règles de bonnes manières, je frappai à la porte. Cette dernière s’ouvrit alors toute seule, comme par enchantement. Deux idées me vinrent alors à l’esprit : entrer poliment ou bien prendre mes jambes à mon cou. Je choisis courageusement la première option, pénétrant dans une pièce sombre, éclairée seulement par la lueur de quelques bougies.

Des poulets étaient accrochés au plafond à des crocs de bouchers et ma seule requête à ce moment exact de mon existence était de ne pas les rejoindre. Quant aux nombreux bocaux sur les étagères étiquetés par « bave de crapaud », « têtes de lézards », « ailes de chauves-souris » ou encore « dents de chauve-toutcourt », ça se passait du moindre de mes commentaires. Tiens ? Il y avait même des tripes de chat. Oh, j’ai failli oublier de parler des paniers en osier qui traînaient un peu partout sur le sol poussiéreux.

Ma curiosité fut vite rassasiée lorsqu’un énorme cobra jaillit de celui que j’avais ouvert puis refermé aussitôt d’ailleurs. Refermé, comme la porte d’entrée qui s’abattit dans un grand claquement, éteignant encore une ou deux flammes de bougies avec le courant d’air. Sûrement le vent. A côté d’un panier dont le contenu m’était inconnu mais dont je me moquais éperdument de toutes façons, le décorateur avait jugé bon de placer un coffre que j’aurais personnellement plutôt vu à côté de la petite commode où des mygales avaient fait leur toile. Le coffre était probablement rempli de cadavres et je ne m’y attardais pas plus.

C’est alors que je l’aperçus, l’objet si incroyable, si fantaisiste, si inutile : le POULET EN
PLASTIQUE AVEC UNE POULIE AU MILIEU !!! Si je l’emportais avec moi, personne ne
le verrait…

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