Les mémoires d’un pirate (022)

Je sortis rapidement de la boutique. Le vieux était déjà au coin de la rue. Je tentai de le rattraper un peu lorsque soudain, il se retourna vers moi ! Sans perdre un seul instant, je mis les mains sur mon visage me cachant ainsi du marchand, et de tout le monde dans la rue d’ailleurs. Ce dernier reprit alors sa course, rassuré de ne voir personne à ses basques. Je sortis de ma cachette en retirant mes mains du visage, ce qui surprit un pauvre pirate devant moi qui devait se demander comment telle diablerie pouvait être possible. C’était moins une, en tout cas.

La filature du marchand m’amena au croisement de la forêt. Bien ! J’allais faire d’une pierre deux coups. Juste après avoir mis une volée à la Reine du Sabre, je trouverais le  trésor légendaire de l’île de Mêlée.

Malgré sa jambe de bois, le marchand allait à vive allure. J’eus bien du mal à le suivre lorsqu’il commença à s’enfoncer dans la dense forêt. Marrant : voilà que j’essayais de ne  pas perdre un vieux en forêt, alors que d’ordinaire, certains s’efforcent à faire le contraire !

Le vieux marchand s’arrêta subitement devant un nouveau croisement. Pensant qu’il m’avait aperçu, je me jetai sur le sol épineux. Le marchand hésita un instant puis prit le chemin de droite. La route qui menait à la demeure de la Reine du Sabre n’avait rien de simple. J’avais bien peur que ma mémoire ne flanche à un instant ou à un autre, me laissant perdu au beau milieu d’une forêt infestée non par des loups, mais par de sales brigands. Des rumeurs disaient même qu’on y trouvait des Trolls mutants qui vous découpaient en petits morceaux avant de vous faire frire à la broche et de vous manger  avec des petits oignons comme condiments ! Mais c’était des fadaises, des histoires pour faire peur aux touristes.

D’ailleurs les Trolls c’est comme les loups, tout le monde le sait qu’il n’y en a pas dans les Caraïbes !

J’étais encore au sol quand j’aperçus ces superbes fleurs d’un jaune fluorescent. Et, il me vint alors une idée splendide… Détachant les pétales un à un, je les laissai tomber à terre pour jalonner le chemin que je suivais. C’est drôle, mais j’avais une étrange impression de déjà vu.

Une fois encore, le marchand stoppa net devant un petit ravin. Plongeant dans les buissons, je le fixais. Il n’allait pas sauter par-dessus cette falaise quand même ? Non. Il alla vers une pancarte plantée dans le sol qui indiquait amicalement de déguerpir et la tira un bon coup vers l’avant. Ca par exemple ! Un déclic retentit et un petit pont vint se tendre entre les deux extrémités du ravin ! Moderne cette Reine du Sabre. Le marchand le traversa, suivi de très près par qui vous savez. Nous nous retrouvâmes alors exactement au beau milieu de la forêt de Mêlée. Point d’arbre ici pourtant. Juste une clairière avec une petite maison en bois de chêne très classique.

La Reine du Sabre se tenait devant sa porte. Elle semblait méditer. Lorsqu’elle vit le marchand s’approcher d’elle, elle se mit une main sur le front et laissa échapper un énooooooorme soupir. Je tentai de m’approcher le plus possible pour entendre leur conversation endiablée.

– Encore une fois, dit le marchand tout sourire, bonjour Carla.

D’un coup vif, elle gifla l’effronté, faisant valser son dentier. Diantre ! Quel caractère !
Quelle rapidité ! Armée d’un sabre, elle l’aurait déjà embroché !

– Je ne t’ai pas dit d’aller te faire voir ailleurs ? aboya la belle.

Tiens ? Comme le marchand me l’avait dit, la Reine était noire, métis, pour être exact mais de couleur plus sombre que claire. Elle était surtout d’une immense beauté. Elle pouvait sembler frêle au premier abord mais intérieurement, c’était une furie féministe incontrôlable.

Mais quel corps ! Cette fille était une splendeur ! Rien d’étonnant à ce qu’elle se cache dans la forêt, tous les pirates devaient frissonner de plaisir rien qu’en la regardant.

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