Les mémoires d’un pirate (019)

Chapitre 3: Le marchand, la belle et la chasse en forêt

Le problème avec l’argent, c’est qu’une fois obtenu, on le dépense aussitôt. Ca vous fuit des mains plus vite qu’une anguille. Rien d’étonnant à ce qu’on appelle ça l’argent  liquide (15).

Et la boutique de Mêlée regorgeait de merveilles de piraterie. Le vendeur me regardait d’un oeil pour le moins méfiant. Sûr que sur une île peuplée de pilleurs, se faire voler était plus aisé que de vendre. Mais moi, je n’étais ni voleur ni pirate, du moins pas encore.

Le vendeur était une vieille épave. Raciste, égoïste, pervers, macho et xénophobe, il possédait toutes les qualités pour faire le meilleur des pirates. Mais son plus grand don, le sens des affaires, l’avait détourné d’une glorieuse carrière. Le vieil homme se portait sur une jambe de bois et un long sabre tordu à la place d’une main lui servait de canne. Un look extra ! Combien aurais-je donné pour posséder de tels atouts! Mais il possédait par-dessus tout un caractère aussi exécrable que son haleine. Pourtant, je devais le reconnaître, c’était un bon vivant, et sous ses airs de dur, un vrai tendre.

Un curieux objet attira mon attention. Il était disposé devant les épées, une sorte de maquette miniature de l’île enfermée dans un globe de verre rempli d’eau.

– C’est une de mes brillantes inventions, déclara fièrement le marchand. Quand tu le secoues, des flocons tombent lentement sur l’île donnant l’impression qu’il neige ! C’est génial, hein ?
– Mouais…

Tu parles ! Comment un objet aussi moche et aussi inutile pourrait remporter un jour un quelconque succès ? Et puis tout le monde sait bien qu’il ne neige pas dans les Caraïbes.

Stupide ! D’ailleurs, je n’aurais même pas dû en parler.

Je m’intéressai alors à l’épée derrière « l’invention géniale » du marchand. Les inscriptions sur la lame m’incitèrent à porter mon choix sur elle : « Le roi de l’épée. Quand vous voulez une épée aussi perçante que votre humour ». Comment y résister ? De surcroît, elle était « Made in Mêlée », preuve d’une qualité indéniable pour une arme de pirate. Et surtout, je ne m’y connaissais nullement en épée, et j’aurais eu bien du mal à faire la différence entre un coupe-papier et un couteau à beurre. Celle-ci ferait aussi bien l’affaire qu’une autre.

– C’est 100 pièces de huit, glissa furtivement le boutiquier.
– Je prends ! lui répondis-je.

Ce n’était pas donné mais je n’avais pas le temps de marchander. Et puis cette fois au moins, c’était un chiffre rond.

– Et vous n’auriez pas une pelle par hasard ? demandais-je également au vendeur.
– Encore un chasseur de trésor, hein ? Là-bas, dans le coin. Derrière les bouées en forme de canard jaune.

J’en pris une, de pelle pas de bouée, dans le tas : « Le roi de la pelle. La seule pelle digne des enthousiastes de la chasse au trésor ». OK, moi ça me plaisait bien. L’important était qu’elle creuse non ?

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15. Les autres moyens de paiement sont comme vous le savez sûrement le crédit et la monnaie de singe.

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